Luchon, une destination pour l’écotourisme ? La reine des Pyrénées est-elle assise sur le trône d’un royaume vert ? Ou reste-t-elle accrochée à son passé bourgeois sans considération écologique ? Crémaillère express pour rejoindre la station sans voiture, retour du train dans la vallée, piste cyclable Transgarona, la mobilité douce est-elle suffisante pour compenser les activités touristiques ? Autant d’enjeux qui redessinent l’évolution du tourisme face à l’urgence climatique. Luchon peut-elle devenir une destination pour l’écotourisme ? La manne financière du tourisme des Pyrénées Haut-Garonnaises ne cautionne-t-elle pas le développement d’une montagne nature devenue un simple terrain de jeux ?
Le retour du train dans la vallée de Luchon
Dans un premier temps, train au gazole, puis train hybride à l’hydrogène : en 2025, le train fait son retour dans la vallée de Luchon. Avec un budget de presque 70 millions d’euros, le choix du train pour circuler dans la vallée haute de la Garonne suscite forcément des interrogations. D’autres options de mobilité décarbonée auraient pu coûter bien moins cher et capter le trafic routier local. En l’état, le retour du train à Luchon est clairement tourné vers le tourisme. Comme souvent dans les Pyrénées Haut-Garonnaises, les initiatives visent davantage les touristes que les habitants. Certes, le tourisme est le premier pôle économique local, mais il tend également à scléroser le développement de la vie locale. Le train permettra tout de même à des curistes ou à des skieurs en provenance de Toulouse de rejoindre la cité thermale et sa station via la télécabine, sans utiliser leur voiture. Le retour du train et l’usage de la télécabine sont des pas positifs, mais pourquoi ne pas développer davantage de solutions de mobilité douce intégrée comme des navettes électriques reliant les villages environnants ? Cela répondrait également aux besoins des habitants.
La télécabine crémaillère express
Elle permet de rejoindre la station de Luchon-Superbagnères en 8 minutes depuis le centre de Luchon, là aussi sans utiliser la voiture dans les lacets de la montée. Malheureusement, son prix prohibitif ne rend pas l’utilisation de cette mobilité optimale. Beaucoup préfèrent encore rejoindre Luchon-Superbagnères en voiture pour des raisons financières. Autre point noir : la télécabine ne fonctionne pas hors saison. Ce qui traduit encore une fois des services tournés exclusivement vers le touriste.
La montagne n’est pas un terrain de jeu
On lit trop souvent que la montagne est un magnifique terrain de jeu, et c’est bien le cœur du problème. Beaucoup de touristes viennent consommer la montagne pour avoir la garantie d’avoir de la neige pour skier, du beau temps pour randonner, des animaux sauvages à portée de main, des lieux naturels accessibles en voiture… La montagne serait un parc d’attractions à ciel ouvert. Mais combien se soucient de l’utilisation massive d’eau pour alimenter les canons à neige, du trafic routier exceptionnel, de l’impact des randonneurs sur la biodiversité ? On vient consommer de la montagne pour vivre la nature. Mais à condition de pouvoir hyper-consommer avant pour s’équiper, et pendant pour assurer son confort de vie. Les touristes veulent des produits locaux, mais c’est juste un cliché. La plupart se précipitent dans les supermarchés locaux, tout comme les habitants d’ailleurs. Car en dehors de deux magasins bio, des paniers des jardins du Comminges, d’un distributeur de fruits et légumes bio, l’alimentation locale est littéralement absorbée par Super U, Intermarché, Aldi, Lidl ou Netto. Donc on vient chercher de la nature, mais à condition de pouvoir continuer à boire du soda dans des bouteilles en plastique. Et que dire d’une restauration locale quasi exclusivement viandarde ? Les menus végétariens dans les restaurants sont anecdotiques. Lors des événements locaux (à part à Huos), les menus sont souvent viando-viandards. Avec l’impact majeur de la consommation de viande sur le réchauffement climatique, Luchon plonge dans le rouge.
Luchon une destination pour l’écotourisme ?
À ce stade, Luchon n’est clairement pas une destination pour l’écotourisme. Sur le fond, le territoire des Pyrénées Haut-Garonnaises mise sur un tourisme de masse à tout prix. Il n’y a sur place aucune culture de la sobriété, de la conscience écologique et de l’impact de l’anthropocène. Le développement touristique balaye une certaine tradition de la sobriété de la vie montagnarde. La montagne est magique, mais difficile. Le tourisme vient effacer les contraintes de la montagne pour la rendre facile à consommer pour les vacanciers. D’autres territoires de montagne ont plutôt choisi de miser sur la qualité de vie des habitants. Des territoires conscient des enjeux des mobilités douces locales, du développement des circuits alimentaires dits courts et de l’offre culturelle. Ces territoires ont ainsi gagné en attractivité auprès des néo-montagnards, en quête d’une vie harmonieuse avec la biodiversité.
Sortir de la monoculture du tourisme
La dépendance quasi exclusive de Luchon au tourisme comme moteur économique expose le territoire à une grande vulnérabilité face à l’urgence climatique. Diversifier les activités économiques est une voie incontournable pour renforcer sa résilience. La transition pourrait s’appuyer sur plusieurs leviers :
- Valorisation des savoir-faire locaux : développer des filières artisanales ou agricoles basées sur des ressources locales. Le bois ou les plantes médicinales de montagne offriraient des alternatives durables et créatrices d’emplois. Le tout en misant sur une bannière commune et lisible.
- Economie circulaire et durable : investir dans des projets comme le recyclage des matériaux de construction ou la création de produits à base de biomasse forestière peut transformer la richesse naturelle de la région en atouts économiques.
- Soutien aux jeunes entrepreneurs : offrir un cadre favorable à l’installation de startups. Cela permettrait d’attirer une nouvelle génération d’acteurs économiques. Luchon pourrait accompagner des startups, en commençant par des tiers-lieux, coworking. La fibre maintenant déployée même dans les villages de montagne ouvre de nouvelles perspectives.
- Agriculture locale et circuits courts : redynamiser les pratiques agricoles en montagne. Produire davantage de fruits, légumes et céréales adaptés au climat local, favorisant l’autosuffisance alimentaire et l’écotourisme gourmand. Imaginer des filières de cuisine végétale.
Repenser le modèle économique de Luchon, au-delà du seul tourisme, est une opportunité de construire un avenir harmonieux entre habitants, visiteurs et environnement. Cela permettrait de s’émanciper d’une vision consumériste de la montagne pour réaffirmer son rôle de lieu de vie, de préservation et d’innovation.