Written by 7h46 Communauté de Communes des Pyrénées Haut-Garonnaises (CCPHG), Culture, Découvrir, Tourisme • 2 Comments

Près de Luchon, un nouveau sentier transfrontalier

Transfrontalier

Près de Luchon, un nouveau sentier transfrontalier pour marcher sur les traces de l’histoire.

Entre les Pyrénées françaises et le Val d’Aran espagnol, 38 kilomètres de mémoire s’ouvrent aux marcheurs

Le samedi 18 octobre 2025, la Communauté de Communes des Pyrénées Haut-Garonnaises inaugure un sentier qui ne ressemble à aucun autre. Entre Saléchan et Les, en Val d’Aran, 38 kilomètres de chemins balisés racontent une période où franchir une frontière n’était pas une simple formalité administrative, mais une question de survie. Ce n’est ni un parcours touristique aseptisé ni une reconstitution folklorique : c’est un itinéraire qui confronte le marcheur à la réalité géographique et historique de ce que signifiait fuir à travers les montagnes pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les Pyrénées ont toujours été un espace de passage, bien avant d’être une ligne tracée sur une carte. Entre 1940 et 1945, elles sont devenues un couloir d’évasion pour des milliers de personnes : aviateurs alliés abattus, résistants recherchés, juifs persécutés, réfractaires au travail obligatoire. Tous n’ont pas survécu à la traversée. Certains sont morts d’épuisement, d’autres ont été arrêtés par les patrouilles, d’autres encore se sont perdus dans la neige. Ce sentier ne fait pas que célébrer les succès : il rappelle aussi les échecs et les drames.

Quand la géographie devient un enjeu vital

Pour comprendre ce que représentait la traversée des Pyrénées pendant l’Occupation, il faut oublier nos facilités contemporaines. Pas de GPS, pas de vêtements techniques, pas de prévisions météo fiables, pas de téléphone pour appeler les secours. Les évadés partaient souvent avec des chaussures inadaptées, des vêtements civils qui ne protégeaient pas du froid, et une condition physique parfois précaire après des mois de clandestinité ou de détention.

Le parcours emprunte des cols d’altitude, traverse des forêts denses où il est facile de se désorienter, longe des crêtes exposées au vent et aux intempéries. Ce n’était pas une randonnée dominicale, mais une fuite épuisante qui pouvait durer plusieurs jours. Les passeurs connaissaient chaque rocher, chaque source, chaque abri possible. Ils marchaient souvent de nuit pour éviter les patrouilles allemandes et les douaniers français collaborant avec l’occupant. Aujourd’hui encore, même avec des équipements modernes, le sentier reste exigeant et nécessite une bonne préparation physique.

Les passeurs : ni héros de légende ni mercenaires cyniques

L’histoire a parfois tendance à idéaliser les passeurs, à en faire des figures romantiques guidées uniquement par l’altruisme. La réalité était plus nuancée. Certains passeurs agissaient par conviction antifasciste ou par solidarité humaine. D’autres le faisaient pour l’argent, et l’argent était souvent considérable : des sommes équivalentes à plusieurs mois de salaire pour une traversée. Il y avait aussi des opportunistes, des escrocs qui prenaient l’argent et abandonnaient les fuyards à mi-chemin, voire les dénonçaient.

Mais réduire ces hommes et ces femmes à une catégorie unique serait une erreur. Beaucoup de passeurs combinaient motivations idéologiques et nécessité économique. Dans une région pauvre où la contrebande était une activité traditionnelle depuis des générations, guider des évadés s’inscrivait dans une pratique locale de franchissement clandestin des frontières. Les risques étaient réels : arrestation, déportation, exécution. Plusieurs passeurs ont payé de leur vie leur engagement.

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Un projet transfrontalier qui dépasse le simple balisage

L’inauguration du 18 octobre 2025 marque l’aboutissement d’années de travail collaboratif entre autorités françaises et espagnoles. La Communauté de Communes des Pyrénées Haut-Garonnaises, le Conselh Generau d’Aran (l’autorité administrative du Val d’Aran), l’État français, la Région Occitanie, le Conseil départemental de la Haute-Garonne, et de nombreux autres partenaires ont conjugué leurs efforts pour créer non pas seulement un sentier, mais un espace de mémoire partagée.

Le choix de créer une liaison entre le GR86 (qui relie Toulouse à Bagnères-de-Luchon), le GR10 (la traversée intégrale des Pyrénées) et le GR211 espagnol n’est pas anodin. Il inscrit ce parcours mémoriel dans un réseau européen de randonnée, faisant du devoir de mémoire une expérience physique et accessible. Le label “Itinéraires Liberté Pyrénées Europe” vient reconnaître cette dimension transfrontalière et historique.

Des silhouettes qui interrogent le présent

Tout au long du parcours, des silhouettes métalliques évoquent les personnages historiques qui ont emprunté ces chemins. Pas de statues héroïques ni de monuments pompeux, mais des formes épurées qui se découpent sur le paysage. Ces installations artistiques créent un dialogue silencieux entre le marcheur d’aujourd’hui et les fugitifs d’hier. Elles rappellent aussi que l’histoire de l’exil et de la recherche de refuge ne s’est pas arrêtée en 1945.

Les panneaux informatifs installés le long du sentier apportent un contexte historique sans tomber dans la leçon de morale. Ils racontent des parcours individuels, expliquent le fonctionnement des réseaux d’évasion, détaillent les conditions météorologiques et géographiques de l’époque. L’approche pédagogique vise à faire comprendre plutôt qu’à émouvoir artificiellement.

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Une journée d’inauguration entre mémoire et spectacle vivant

Le programme du 18 octobre 2025 mêle randonnée, cérémonie officielle et création artistique. Le départ est fixé à 9 heures depuis la stèle commémorative de Marignac, pour une marche collective de 8 kilomètres aller-retour avec 400 mètres de dénivelé jusqu’au sanctuaire Notre-Dame de Souesté. Ce n’est pas une promenade de santé, mais elle reste accessible à toute personne ayant une condition physique correcte et des chaussures de marche adaptées.

Après les discours officiels et un temps de recueillement, un spectacle de la compagnie “Ceci N’Est Pas Une Caravane” sera présenté. “Leurs pas résonnent” est une évocation théâtrale et poétique de cette histoire de fuite et de résistance. Le choix d’une représentation artistique plutôt que d’une simple commémoration institutionnelle traduit une volonté de rendre cette mémoire vivante et transmissible, notamment aux jeunes générations.

Participer : les modalités pratiques

Pour participer à cette journée inaugurale, une inscription préalable est demandée avant le 15 octobre par email à secretariat@ccphg.fr. Cette démarche permet aux organisateurs de prévoir la logistique nécessaire, notamment pour le cocktail-déjeuner qui suivra les discours officiels. En cas de mauvais temps rendant impossible la randonnée en montagne, un plan B est prévu avec un repli sur la salle polyvalente de Cierp-Gaud à partir de 11 heures.

Il est recommandé de prévoir des bâtons de marche, de l’eau en quantité suffisante, et des vêtements adaptés aux conditions météorologiques de montagne en octobre, qui peuvent être capricieuses. Un chapeau, de la crème solaire et des lunettes de soleil restent utiles même en automne, tout comme une veste imperméable et un pull chaud.

Au-delà de l’inauguration : un sentier à appréhender sérieusement

Une fois la cérémonie passée, le sentier restera accessible toute l’année aux randonneurs. Mais il ne faut pas s’y tromper : ces 38 kilomètres ne sont pas une balade familiale. L’itinéraire traverse des zones isolées, avec peu de points de ravitaillement et des passages techniques. Il s’adresse à des marcheurs expérimentés, capables d’évaluer correctement les conditions météorologiques et de gérer leur effort sur plusieurs jours.

La dimension historique du sentier ne doit pas faire oublier les impératifs de sécurité. Les accidents en montagne arrivent aussi sur les chemins mémoriels. Il est indispensable de se munir de cartes à jour, d’un GPS ou d’une application de navigation, de vérifier la météo, d’informer son entourage de son itinéraire, et de ne pas surestimer ses capacités physiques. L’Office de Tourisme des Pyrénées Haut-Garonnaises met à disposition toutes les informations nécessaires pour préparer correctement cette randonnée.

Quelle période choisir pour randonner ?

Le sentier est théoriquement praticable de juin à octobre, en fonction de l’enneigement. Les périodes de début d’été (juin-juillet) et de début d’automne (septembre-octobre) offrent généralement les meilleures conditions, avec des températures supportables et une fréquentation modérée. L’été peut être très chaud en vallée et orageux en altitude. L’automne apporte des couleurs magnifiques mais aussi une météo plus instable et des journées plus courtes.

En hiver et au printemps, le sentier devient impraticable pour le randonneur moyen en raison de la neige et du risque d’avalanche. C’était d’ailleurs l’une des difficultés majeures pour les évadés pendant la guerre : beaucoup tentaient la traversée en plein hiver, espérant que les patrouilles seraient moins nombreuses, mais se heurtaient à des conditions climatiques redoutables.

Mémoire vivante ou tourisme mémoriel ?

L’ouverture de ce sentier soulève inévitablement la question du tourisme mémoriel. Comment rendre accessible une histoire tragique sans la transformer en attraction touristique ? Comment évoquer la souffrance et la mort sans tomber dans le voyeurisme ou, à l’inverse, dans une sanctuarisation figée qui tiendrait le public à distance ?

Les concepteurs du projet ont choisi une approche sobre : pas de reconstitutions spectaculaires, pas de mise en scène dramatique excessive, mais une confrontation directe avec le terrain et avec l’histoire. Le marcheur fait physiquement l’expérience de la difficulté du parcours, de l’isolement, de l’exposition aux éléments. Cette dimension corporelle de la mémoire est sans doute plus parlante que bien des discours.

Des résonances contemporaines inévitables

Impossible de parcourir ces chemins sans penser aux migrations contemporaines, aux milliers de personnes qui franchissent aujourd’hui des frontières au péril de leur vie, qui meurent en mer Méditerranée, dans le désert du Sahara, ou en traversant d’autres montagnes. L’histoire ne se répète jamais à l’identique, mais elle offre des échos troublants.

Le sentier ne donne pas de leçons toutes faites ni de conclusions définitives. Il pose des questions : qu’est-ce qu’une frontière ? Qui décide qui peut la franchir et qui doit s’arrêter ? Quel prix est-on prêt à payer pour sa liberté ou sa survie ? Quelles sont nos responsabilités envers ceux qui fuient ? Ces interrogations restent ouvertes, et c’est sans doute ce qui rend ce projet pertinent aujourd’hui.

Un patrimoine immatériel à préserver

Au-delà de l’infrastructure physique du sentier, ce projet vise à préserver un patrimoine immatériel : les témoignages, les souvenirs transmis oralement, les récits des derniers témoins directs ou de leurs descendants. Dans quelques années, il ne restera plus personne qui ait vécu personnellement ces événements. Les passeurs, les évadés, les résistants disparaissent progressivement. Avec eux s’efface une mémoire orale irremplaçable.

Les collectes de témoignages réalisées dans le cadre du projet, les archives consultées, les recherches historiques menées constituent un travail documentaire essentiel. Ces matériaux permettront aux générations futures de comprendre non seulement les faits objectifs, mais aussi les vécus subjectifs, les émotions, les peurs, les espoirs de ceux qui ont emprunté ces chemins. C’est cette dimension humaine qui donne tout son sens au projet.

Une invitation à la transmission

Le sentier s’adresse particulièrement aux familles, aux groupes scolaires, aux associations qui souhaitent transmettre cette histoire aux jeunes générations. Randonner sur ces chemins avec ses enfants ou ses petits-enfants, leur expliquer ce qui s’est passé ici, leur faire prendre conscience de la valeur de la liberté et de la fragilité de la paix, c’est peut-être la meilleure façon d’honorer la mémoire des évadés et des passeurs.

Mais cette transmission ne doit pas être une simple récitation de dates et de faits. Elle doit s’accompagner d’une réflexion sur les choix moraux, sur le courage et la lâcheté, sur la solidarité et l’indifférence, sur la résistance et la collaboration. L’histoire n’est pas un ensemble de leçons morales prédigérées, mais un matériau complexe qui nous aide à mieux comprendre le présent et à nous interroger sur nos propres responsabilités.

Informations pratiques

Inauguration : Samedi 18 octobre 2025
Départ : 9h00, stèle commémorative de Marignac (square Louis Ebelot)
Distance : 8 km aller-retour (inauguration) / 38 km (sentier complet)
Dénivelé : 400 m (inauguration)
Inscription : Avant le 15 octobre – secretariat@ccphg.fr
Niveau : Randonneur expérimenté (sentier complet)

Renseignements :
Office de Tourisme des Pyrénées Haut-Garonnaises
Communauté de Communes des Pyrénées Haut-Garonnaises

Article publié dans Melles750.fr

Magazine en ligne autour des Pyrénées, de la vie à la montagne et des modes de vie écoresponsables

 

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