La Grande Traversée de Haute-Garonne : entre promesse d’aventure et écotourisme. Du 27 juin au 1er juillet 2025, la Haute-Garonne accueillera la première édition de La Grande Traversée, un raid sportif et itinérant de 260 kilomètres. L’événement, organisé par Haute-Garonne Tourisme, promet une exploration « douce » du territoire, entre Garonne et Pyrénées, à travers une soixantaine de communes et dix disciplines de pleine nature. Une proposition ambitieuse, qui mêle découverte, sport, engagement local… et communication territoriale bien rodée.
Une aventure sportive… mais pas seulement
Pensée comme une immersion active dans les paysages du département, La Grande Traversée se veut plus qu’un simple défi physique. Elle affiche l’ambition d’un tourisme « d’effort » et de proximité, valorisant les circuits courts, les dynamiques locales et les rencontres humaines. « Une autre façon de voyager, de se dépasser, de vivre un territoire », résume Loïc Gojard, président de Haute-Garonne Tourisme.
Le parcours, de Revel au Mourtis, est ponctué d’étapes mêlant VTT, trail, canoë, course d’orientation, spéléologie et même biathlon laser. Chaque jour, une nouvelle ambiance, une nouvelle portion du territoire à découvrir. Les ravitaillements sont annoncés comme « locaux », les hébergements peuvent se faire en bivouac ou en réservation classique, et les soirées festives dans les villages visent à renforcer le lien entre participants et habitants.
Les cinq étapes, cinq ambiances :
- Jour 1 : Revel → Ayguesvives – entre canoë sur le Canal du Midi, VTT dans le Lauragais et activités d’adresse.
- Jour 2 : Ayguesvives → Rieux-Volvestre – parcours plus accessible avec VTT à assistance, glisse et tir à l’arc.
- Jour 3 : Rieux-Volvestre → Martres-Tolosane – montée en intensité et passage par Aurignac pour une course d’orientation urbaine.
- Jour 4 : Martres-Tolosane → Aspet – spéléologie au programme, pour une exploration souterraine.
- Jour 5 : Aspet → Le Mourtis – final montagnard avec trail, alpinisme et paysages pyrénéens.
Un territoire en vitrine
Derrière l’initiative, une mobilisation territoriale importante : 60 communes impliquées, 9 offices de tourisme partenaires, des producteurs et associations locales intégrés à l’organisation. L’événement se veut vecteur de lien social autant que moteur économique, et affiche un engagement solidaire via le soutien à l’association Ensemble avec Maxence.
L’accessibilité est également mise en avant : l’inscription complète coûte 269 € pour les cinq jours, avec une formule à la journée à 64 €, afin de permettre une participation plus large, en particulier locale.
Une opération exemplaire ?
Sur le papier, La Grande Traversée coche toutes les cases d’un tourisme « vertueux » : valorisation des ressources locales, promotion de la mobilité douce, animation des zones rurales, solidarité, sobriété. La communication autour de l’événement est construite sur ces valeurs : sport santé, alimentation locale, biodiversité, lien au territoire, engagement. Mais à y regarder de plus près, la réalité est forcément plus nuancée. On mobilise les producteurs locaux pour l’évènementiel écoresponsable, mais à côté de cela les collectivités locales défendent l’écocidaire A69.
Une sobriété relative
Car même si l’événement se positionne comme une alternative au tourisme de masse, il n’échappe pas à certaines contradictions. La logistique reste lourde : transports de matériel, véhicules d’assistance, communication multi-supports, mobilisation de personnels et de bénévoles. Sans compter les déplacements motorisés des participants pour rejoindre le départ ou repartir à l’issue du raid.
La promesse de sobriété environnementale se heurte à une question centrale : quel est le bilan carbone réel de cette opération ? L’usage de vaisselle jetable, les plastiques dans les ravitaillements, ou la production de goodies ne sont pas abordés. Et comme souvent dans ce type d’événement, le tri des déchets ou la compensation carbone restent évoqués sans véritable transparence.
Entre communication et transformation
Ce décalage entre l’image projetée et l’impact réel pose la question du greenwashing. Car si l’intention est louable, l’événement s’inscrit dans une stratégie classique de marketing territorial, avec tout ce qu’elle implique : storytelling, branding, attractivité, mise en scène du territoire.
La Grande Traversée de Haute-Garonne n’échappe pas à ce paradoxe : vouloir promouvoir un tourisme alternatif tout en utilisant les codes et les outils d’un tourisme promotionnel. Peut-on concilier les deux sans trahir l’ambition initiale ? Est-il possible de faire de l’événementiel réellement sobre ?
Une piste de réflexion
Malgré ses limites, La Grande Traversée pourrait jouer un rôle de laboratoire. En plaçant la proximité, l’effort, le collectif au cœur de l’expérience, elle ouvre une brèche. À condition de ne pas se contenter d’un vernis vert, et d’engager un vrai suivi : évaluation de l’empreinte écologique, dialogue avec les habitants, pérennisation des liens créés.
Ce type d’initiative mérite d’exister, à condition d’être exigeant avec lui-même. Car le tourisme de demain ne pourra pas se contenter d’être « moins pire » : il devra être profondément transformé.