Néobanques vertes quel avenir après le rachat de Hélios ? C’est une annonce qui n’est pas passée inaperçue dans l’univers feutré mais très concurrentiel des fintechs : Younited, spécialiste du crédit à la consommation, a officialisé ce 16 mai 2025 le rachat de la néobanque verte Helios. Créée en 2020 et positionnée dès l’origine comme un acteur engagé dans la finance durable, Helios a séduit par ses engagements éthiques, sa transparence et son refus de financer les énergies fossiles. Ce rapprochement avec une entreprise dont le cœur de métier est l’endettement personnel et la croissance à tout prix soulève des interrogations profondes sur l’avenir des néobanques dites « à impact ».
Une opération stratégique mais clivante
L’annonce a été sobrement formulée par les deux parties : Younited voit dans ce rachat une opportunité d’élargir sa base clients et de renforcer son offre bancaire grand public. De son côté, Helios affirme vouloir profiter des moyens techniques et commerciaux de Younited pour « changer d’échelle » et continuer à développer une offre bancaire plus verte. D’autres fin techs tenaient ce discours après leur rachat des acteurs bancaires, avant de disparaître dans les choix stratégique de leur nouveau propriétaire.
Dans les faits, il s’agit de la première acquisition externe de Younited depuis son entrée en Bourse en janvier dernier. Fondée en 2009, la fintech affiche des résultats en forte croissance, avec plus de deux milliards d’euros de prêts distribués en 2024, une implantation dans cinq pays européens, et une stratégie de conquête clairement assumée.
Helios, de son côté, avait réussi à se faire un nom sur un créneau étroit : celui d’une banque du quotidien engagée pour la transition écologique, à travers un compte bancaire, une carte en bois, une application éducative sur la finance durable, et des projets de financement d’initiatives environnementales. Mais avec environ 40 000 clients actifs et une économie d’échelle encore modeste, la néobanque peinait à atteindre la rentabilité.
Une désillusion pour les militants de la finance responsable ?
Le rapprochement pose immédiatement la question du devenir de la mission d’Helios. Dans un marché bancaire extrêmement concurrentiel, les valeurs affichées par certaines fintechs doivent souvent composer avec les contraintes de la rentabilité, et le rachat d’Helios illustre cette tension de manière brutale.
Younited n’a pas, jusqu’ici, montré de préoccupations marquées pour les enjeux climatiques. L’entreprise, adossée à des actionnaires tels que Goldman Sachs ou Eurazeo, s’est concentrée sur la performance algorithmique de ses solutions de crédit et l’intégration d’IA dans l’évaluation du risque. Autant dire que le climat n’est pas au coeur de ses préoccupations.
Les clients d’Helios, en quête de cohérence entre leurs convictions et leur argent, pourraient donc se retrouver déçus, voire trahis. Certains se tournent forcément déjà vers des alternatives. Surtout qu’il y a quelques jours encore la néobanque envoyaient des emails pour rappeler ses valeurs. Il semble bien que la banque la plus verte de France vient de basculer vers le bleu du capital et des énergies fossiles.
Green-Got, dernier bastion de la banque militante ?
Fondée à la même période qu’Helios, la néobanque Green-Got apparaît désormais comme le dernier grand représentant indépendant de la finance éthique en France. Avec plus de 500 000 utilisateurs fin 2024 et une levée de fonds de 5 millions d’euros, Green-Got propose un modèle simple mais radical : aucun euro ne va vers les énergies fossiles, et chaque transaction alimente un pot commun servant à financer des projets de reforestation, de préservation des océans ou de transition énergétique.
Green-Got communique avec ferveur sur ses engagements, allant jusqu’à publier la traçabilité complète de ses investissements. Elle refuse toute publicité traditionnelle et s’appuie sur une communauté militante, convaincue et très active sur les réseaux sociaux.
Mais cette indépendance a un prix. En refusant les capitaux traditionnels et les modèles de croissance classiques, Green-Got doit faire preuve de résilience économique, dans un secteur où les marges sont faibles et la fidélité des clients volatile.
Et si l’avenir passait par la Nef ?
Face aux fragilités des néobanques jeunes et parfois dépendantes d’acteurs tiers, la Nef représente un modèle plus ancien, mais possiblement plus durable. Fondée dans les années 1980, cette coopérative financière basée à Lyon milite depuis toujours pour une finance éthique, transparente et orientée vers l’économie réelle. Elle finance exclusivement des projets sociaux, écologiques et culturels.
Longtemps freinée par l’absence de licence bancaire complète, la Nef a déposé une demande d’agrément en 2023 pour devenir banque à part entière, et ambitionne de proposer, d’ici 2026, un compte courant éthique, une carte bancaire, et des services plus complets.
Contrairement aux néobanques reposant sur des infrastructures tierces (comme Helios ou Green-Got), la Nef construit une architecture coopérative et veut rester indépendante de tout acteur financier spéculatif. Si elle réussit ce pari, elle pourrait devenir l’alternative structurelle aux banques classiques que les militants de la finance durable attendent depuis longtemps.
Le dilemme des néobanques éthiques : croissance ou conviction ?
Ce qui se joue ici, au-delà du seul cas d’Helios, c’est le dilemme fondamental de toute startup à impact : comment croître sans compromettre ses valeurs ? La finance verte ne peut exister de manière pérenne que si elle s’ancre dans une solidité économique. Mais trop souvent, cette solidité est atteinte par des compromis, des levées de fonds aux origines opaques, ou des rachats par des groupes aux objectifs divergents.
L’acquisition d’Helios montre aussi les limites du modèle de la néobanque : ces entités, souvent sans licence bancaire propre, doivent passer par des partenaires (banques, émetteurs de carte, services de paiement) et sont structurellement dépendantes d’acteurs traditionnels. Leur liberté est donc relative.
Vers un écosystème de niche ?
Alors que les grandes banques multiplient les opérations de greenwashing et affichent désormais des « produits verts » sans remettre en cause leurs financements carbonés, les néobanques éthiques avaient émergé comme une réponse crédible. Le rachat d’Helios est un coup dur pour cet espoir.
Pour autant, il ne sonne pas forcément la fin de l’histoire. Il est possible que ces acteurs trouvent un modèle de niche, durable, avec une base client fidèle, prête à payer légèrement plus cher pour un service aligné avec ses convictions. Mais cela demandera de la transparence, de la pédagogie, et une capacité à résister aux sirènes de l’hypercroissance.
Un signal pour les consommateurs
Enfin, ce rachat est un signal à destination des consommateurs. Il rappelle que notre argent n’est jamais neutre. Choisir une banque, une carte, un compte, c’est aussi faire un choix de société. Dans un monde où les enjeux écologiques sont aussi financiers, chaque transaction peut soutenir un modèle de développement… ou son contraire.
Les néobanques comme Helios, Green-Got, OnlyOne ou la Nef ont promis un autre rapport à l’argent. Reste à savoir combien d’entre elles parviendront à le maintenir, et à quel prix. Mais une chose est sûre : c’est aussi aux clients de porter ces alternatives, en gardant les yeux ouverts.