Luchon : Manoukian et Zygel manient les mots et les notes
Une soirée d’improvisation magistrale au pied des Pyrénées
Vendredi 1er août, sur le parvis des thermes de Luchon, la magie de l’improvisation pianistique a opéré. Dans le cadre du festival CosmoJazz organisé par André Manoukian et Marie Seguret, deux virtuoses se sont livrés à un duel musical d’une rare intensité. Entre anecdotes historiques, références philosophiques et interaction spontanée avec le public, Jean-François Zygel et André Manoukian ont offert un spectacle inoubliable aux spectateurs venus nombreux dans la station thermale pyrénéenne.
CosmoJazz : quand la montagne devient scène
Le festival CosmoJazz, imaginé par André Manoukian, propose une expérience musicale unique où les concerts se déroulent dans des amphithéâtres naturels soigneusement choisis pour leur beauté et leur acoustique. Cette seconde édition luchonnaise, du 1er au 3 août 2025, marie jazz, musiques du monde et paysages montagnards pour créer des moments d’émotion pure.
« Mettre en musique la beauté du monde », tel est le credo d’André Manoukian pour ce festival qui transforme la montagne en scène et la randonnée en rituel. Pas de décorum artificiel, la nature devient le décor privilégié de ces rencontres musicales exceptionnelles.
Deux écoles, une passion commune
Jean-François Zygel, pianiste classique bardé de prix de conservatoire, et André Manoukian, musicien pratiquement autodidacte issu du jazz et de la chanson française, forment un duo atypique mais d’une complémentarité saisissante. Leurs univers musicaux, bien que distincts, se rejoignent dans un art commun : l’improvisation.
Cette capacité à créer en temps réel, à se tendre des pièges musicaux et à se rejoindre dans des variations improvisées, fait de chacune de leurs rencontres un événement unique. « Chacun à son clavier, tantôt adversaires, tantôt complices, les deux musiciens disputent une partie de notes enragée », comme l’a souligné un critique musical présent à l’un de leurs précédents concerts.
Une soirée d’exception sur le parvis des thermes
Dès 19h30, le public luchonnais s’est massé sur le parvis des thermes, dans l’attente de cette rencontre pianistique hors norme. L’architecture Belle Époque des thermes offrait un écrin parfait à cette joute musicale, où l’histoire de la musique allait être revisitée en temps réel.
Les deux maîtres ont d’emblée installé une complicité évidente, fruit de nombreuses collaborations passées. Leurs « tribulations fantaisistes », pour reprendre leurs mots, ont croisé Bach, Beethoven, Brel, Bill Evans, Mozart et Duke Ellington, dans un voyage musical où chaque phrase appelait une réponse, un contrepoint, une nouvelle exploration.
Entre histoire de la musique et philosophie platonicienne
Ce qui distingue le duo Manoukian-Zygel de simples virtuoses, c’est leur capacité à transformer un concert en véritable leçon de vie. Vendredi soir, les références à l’histoire de la musique se sont mêlées à des réflexions philosophiques, André Manoukian évoquant même Platon et sa conception de l’harmonie des sphères.
« Poète » et « philosophe psycho-érotico-cosmique » comme il se définit lui-même, André Manoukian a parsemé la soirée d’anecdotes savoureuses sur les grands compositeurs, tandis que Jean-François Zygel, avec sa rigueur classique, apportait des éclairages techniques d’une rare précision. Cette alternance entre érudition et fantaisie a captivé un public pourtant hétéroclite.
Annie, spectatrice devenue muse
L’un des moments les plus savoureux de la soirée s’est produit lorsqu’Annie, spectatrice venue du Périgord, a été invitée à monter sur scène. Cette rencontre impromptue entre une mélomane passionnée et les deux virtuoses a donné lieu à un échange plein d’humour et de spontanéité.
« Facétieux et très partageurs, ils n’hésitent pas à faire monter sur le plateau des personnes du public », avait observé un critique lors d’un précédent concert à Lille. Cette interaction avec Annie a parfaitement illustré cette générosité artistique, transformant une simple spectatrice en partenaire de jeu musical.
Les réparties d’Annie, sa personnalité attachante et sa connaissance musicale évidente ont inspiré aux deux pianistes des variations inattendues, créant un moment de grâce où la frontière entre artistes et public s’est naturellement estompée.
Une complicité forgée au fil des concerts
Cette aisance dans l’interaction, cette capacité à rebondir sur l’imprévu, résulte d’une longue collaboration entre les deux musiciens. Depuis plusieurs années, André Manoukian et Jean-François Zygel se retrouvent régulièrement sur scène pour ces « duels » pianistiques qui sont devenus leur marque de fabrique.
Leurs passages remarqués aux Invalides, à La Seine Musicale, au Nouveau Siècle de Lille ou encore aux Baux-de-Provence ont à chaque fois confirmé cette alchimie particulière. « Ils s’amusent sur scène et ils vous amuseront aussi », résume parfaitement l’esprit de leurs prestations.
Cette complicité s’est particulièrement exprimée vendredi soir dans leur façon de se répondre musicalement, chaque intervention de l’un appelant une réplique de l’autre, dans un dialogue permanent entre classique et jazz, entre rigueur et fantaisie.
L’improvisation comme art de vivre
Au-delà de la performance musicale, ce concert a révélé une philosophie de vie. L’improvisation, telle que la pratiquent Manoukian et Zygel, devient métaphore de l’existence : savoir rebondir, s’adapter, créer du beau à partir de l’imprévu.
« Pour ces pianistes improvisateurs hors pair, tout est prétexte au jeu, chaque phrase musicale appelle une réponse, un contrepoint, un autre chemin », observe un critique. Cette approche ludique de la création musicale a transformé le parvis des thermes en laboratoire de l’instant, où chaque note jouée ouvrait de nouveaux possibles.
Jean-François Zygel, avec sa formation classique rigoureuse, et André Manoukian, autodidacte passionné, incarnent deux voies d’accès à la musique qui se rejoignent dans un même amour de la liberté créatrice. Leur rencontre à Luchon a été l’illustration parfaite de cette convergence des talents.
Un public conquis par l’authenticité
Le succès de cette soirée luchonnaise tient autant à la qualité musicale qu’à l’authenticité des échanges. Le public, composé d’habitués du festival comme de néophytes curieux, a été séduit par cette approche décomplexée de la musique savante.
L’humour naturel d’André Manoukian, ses « plaisanteries de petit coquin » selon les mots d’une spectatrice suisse, contrebalancées par la rigueur bienveillante de Jean-François Zygel, ont créé une atmosphère à la fois détendue et respectueuse de l’art musical.
Cette capacité à rendre accessible ce qui pourrait paraître élitiste constitue l’un des talents majeurs du duo. « Leur talent extraordinaire pour la transmission, qui s’explique certainement par leur propre enthousiasme, semble sans borne », notait un observateur lors d’un précédent concert.
CosmoJazz, un rayonnement au-delà des Pyrénées
Ce concert exceptionnel s’inscrit dans l’ambition plus large du festival CosmoJazz de faire rayonner les Pyrénées Haut-Garonnaises au-delà de leurs frontières traditionnelles. En associant patrimoine naturel et excellence artistique, André Manoukian et Marie Seguret proposent un modèle de développement culturel respectueux de l’environnement.
L’approche écoresponsable du festival, avec ses concerts « zéro déchet » et sa valorisation des circuits courts, trouve un écho particulier dans le message porté par les deux pianistes : créer du beau avec simplicité, sans artifice, en harmonie avec son environnement. C’est juste un peu dommage d’associer une enseigne comme Intermarché à cette initiative à côté de vrais producteurs locaux comme la Brasserie du Vénasque. Au Tour de France c’est Lidl qui éclipsait la brasserie locale, au Cosmojazz, c’est Intermarché …
Cette philosophie, parfaitement incarnée lors de la soirée du 1er août, fait de CosmoJazz bien plus qu’un simple festival : une véritable célébration de l’art de vivre pyrénéen, où la culture devient vecteur de développement durable et de lien social.
Une belle soirée musicale à Luchon
Vendredi 1er août 2025 restera comme l’une des soirées les plus marquantes de cette seconde édition de CosmoJazz. André Manoukian et Jean-François Zygel ont offert bien plus qu’un concert : une leçon de vie musicale, où l’improvisation devient art de l’instant présent.
Entre les murs chargés d’histoire des thermes de Luchon et sous le ciel étoilé des Pyrénées, deux maîtres ont démontré que la musique reste le langage universel par excellence, capable de rassembler les générations et de transcender les différences.
Cette soirée d’exception confirme que CosmoJazz s’impose comme un rendez-vous incontournable du paysage culturel pyrénéen, où l’excellence artistique rencontre la générosité humaine dans un cadre naturel d’exception.
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