Written by 10h29 Alimentation, Développement durable, Ecologie, Economie circulaire, Ecoresponsable, Environnement, Quotidien, Sobriété, Vie locale

Qui sont vraiment les pyromanes ?

Pyromane incendie consommation Nutella

 

Qui sont vraiment les pyromanes ?

“Notre maison brûle mais on regarde ailleurs”

— Jacques Chirac, 2002

Aujourd’hui nos maisons brûlent vraiment, on éteint le feu, et l’on reprend nos vies en cherchant les coupables de l’incendie. Mais qui a créé les conditions de l’incendie ?

Les pyromanes du quotidien

Certes, il y a les criminels qui allument des feux de forêt. Mais les vrais pyromanes sont ceux qui entretiennent avec inconséquence les flammes du réchauffement climatique par leurs habitudes de consommation quotidiennes. Les incendies de forêt deviennent plus fréquents et plus intenses : en 2023, plus de 18 millions d’hectares ont brûlé au Canada, soit plus de six fois la moyenne historique, et en Europe, plus de 500 000 hectares sont partis en fumée, avec le plus grand incendie jamais enregistré dans l’UE en Grèce.

“Marc, 34 ans, père de famille : Je sais que le Nutella n’est ni bon pour la santé ni pour l’environnement, mais mes enfants adorent ça au petit-déjeuner. C’est tellement pratique…”

L’hyperconsommation alimentaire, carburant invisible

Prenons le Nutella, que la plupart des consommateurs disent “irremplaçable”. C’est bon parce que la chimie l’a conçu ainsi, et c’est loin d’être indispensable dans notre alimentation. La production d’huile de palme pour cette pâte à tartiner contribue directement à la déforestation : 76 millions de tonnes sont consommées mondialement chaque année, contre 5 millions dans les années 1980.

L’Indonésie, premier producteur mondial, a perdu 19% de son couvert végétal en vingt ans, soit 30 millions d’hectares rasés ou partis en fumée. Cette déforestation représente environ 15% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

“Sophie, 28 ans, étudiante : Je bois au moins trois Coca par jour. Je sais que c’est mauvais mais j’ai besoin de sucre pour réviser…”

L’océan de plastique dans nos verres

Les bouteilles en plastique de soda, totalement chimiques, finissent massivement dans les rivières et les océans. Un million de bouteilles plastiques sont vendues chaque minute dans le monde, et entre 8 et 12 millions de tonnes de plastique finissent dans les océans chaque année.

Pour fabriquer une bouteille plastique de 1 litre, il faut 100 ml de pétrole, 80 grammes de charbon, 42 litres de gaz et 2 litres d’eau. Ces déchets plastiques libèrent des gaz à effet de serre : 98% des plastiques sont fabriqués à partir de combustibles fossiles.

“Pascal, 52 ans, organisateur d’événements : Quand on organise des fêtes de village, impossible de remplacer le Coca, l’Ice Tea… Les gens en veulent. Et c’est vrai qu’à la fin, tout finit dans le même sac poubelle…”

La fast fashion, flammes de l’éphémère

L’industrie textile est la deuxième industrie la plus polluante au monde après le pétrole. Environ 100 milliards de vêtements sont vendus chaque année, leur production a doublé entre 2000 et 2014. Pour un seul jean, il faut 7 500 litres d’eau, soit l’équivalent de 50 baignoires.

Cette industrie est responsable de 2 à 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de 20% de la pollution des eaux potables. Nous utilisons nos textiles trois fois moins longtemps qu’auparavant, créant un cycle infernal de surconsommation.

“Camille, 22 ans, étudiante : J’achète mes vêtements chez Shein. C’est pas cher et ça change tout le temps. Je sais que c’est pas écolo mais… ça impressionne toujours mes copines.”

La consommation compulsive, drogue moderne

Ceux qui, pour s’occuper, achètent compulsivement dans les magasins comme Action des produits inutiles venus de l’autre bout du monde parce que c’est “joli, rigolo ou sympa”, alors que tous ces produits finiront à la poubelle. Cette hyperconsommation génère un transport maritime polluant et des déchets qui s’accumulent.

L’hypertourisme comme trophée de reconnaissance sociale participe également de cette logique destructrice. Le tourisme représente environ 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

“Thomas, 35 ans, cadre : J’achète souvent des trucs dont je n’ai pas besoin. Ça me détend après le boulot de passer chez Action. Je me dis que ce n’est pas si grave…”

L’agriculture intensive, le brasier invisible

Les pratiques d’hyperproduction agricole épuisent les sols et créent les conditions du réchauffement. La culture du coton consomme 11% des pesticides mondiaux pour seulement 2,5% de la surface agricole. Ces pratiques détruisent la biodiversité et fragilisent les écosystèmes face aux incendies.

L’utilisation massive d’engrais et de pesticides, l’exploitation intensive des ressources en eau créent un cercle vicieux : en France, les projections climatiques indiquent un réchauffement de +2,7°C d’ici 2050 et jusqu’à +4°C en 2100.

La sobriété heureuse, seule issue

La sortie de tout cela se trouve dans l’acceptation d’une vie plus simple, moins artificielle, moins dictée par les diktats de la publicité et d’une société de l’hyperconsommation. Nous n’avons pas besoin de supermarchés avec 3 000 à 5 000 références de produits alimentaires, tous autant transformés avec des ingrédients à mi-chemin entre la chimie et l’agroalimentaire.

La terre n’est pas une ressource à exploiter pour nos futiles activités humaines. Ce n’est pas en exploitant toutes les ressources, en gaspillant l’eau, en imprégnant les sols d’engrais et de pesticides, en exterminant toutes les autres espèces vivantes que l’on va rétablir un équilibre naturel.

“Sonia, 42 ans, professeure : Depuis que j’ai adopté une consommation plus sobre, je me sens mieux. La convivialité des repas ne se joue pas dans l’abondance… au contraire maintenant on échange en famille ou avec nos amis sur de nouvelles pratiques comme le vrac.”

L’Espagne en flammes, miroir de nos contradictions

Regardons l’Espagne, ce pays qui brûle de plus en plus : près de 60 000 hectares ont déjà brûlé en 2025, dépassant toute la surface rasée par le feu en 2024. Entre 44 000 et 60 000 hectares de forêt partent en fumée chaque année dans ce pays qui s’est fait le potager de l’Europe à marche forcée.

L’Espagne, c’est le pays du maraîchage intensif à coups de pesticides pour gaver les rayons des supermarchés européens de produits infâmes. Premier consommateur européen de pesticides avec 360 000 tonnes vendues en 2013, et 44% de ses fruits et légumes contiennent des résidus de pesticides. Plus de 80% de l’eau douce y est utilisée par l’agriculture intensive, dans des régions où l’eau se fait de plus en plus rare.

C’est aussi le pays des pots de Nutella géants que les frontaliers s’arrachent, le pays des usines à cochons et de la maltraitance animale, le pays promoteur de l’hypertourisme qui cherche maintenant à faire machine arrière. L’Espagne a créé un modèle agricole industriel qui épuise les sols, assèche les fleuves et rend ses forêts inflammables.

“Antonio, agriculteur à Almeria : On nous demande de produire toujours plus, toujours moins cher. Mais regardez nos terres, elles deviennent stériles…”

Cette agriculture intensive détourne massivement les eaux du Tage pour irriguer des zones désertiques transformées en serres géantes. Résultat : depuis la mise en place de ces transferts d’eau, la température moyenne en Espagne a progressé de 1,3°C, créant les conditions parfaites pour les mégafeux.

L’addition cachée de l’hyperconsommation

Les consommateurs pensent payer moins cher en achetant ces produits industriels, mais l’addition est salée quand on fait les comptes. Nous payons collectivement les réparations des sinistres climatiques : inondations, sécheresses, tempêtes dont les coûts explosent chaque année. Nous couvrons les frais des interventions de pompiers mobilisés massivement contre les incendies.

Nous payons aussi les frais médicaux de la malbouffe : diabète, obésité, maladies cardiovasculaires qui représentent des milliards d’euros de dépenses de santé publique. Nos primes d’assurance flambent pour couvrir les risques climatiques croissants. Les impôts augmentent pour financer les politiques d’adaptation.

Et ironiquement, ceux qui ne veulent finalement renoncer à rien dans leur hyperconsommation finiront toujours par être entravés par les effets du réchauffement climatique qu’ils ont contribué à créer : canicules qui limitent les sorties, pollution de l’air qui contraint les activités, restrictions d’eau qui gâchent les vacances, hausses des prix alimentaires qui grèvent le budget.

“Isabelle, 48 ans, comptable : Je calcule tout au centime près au supermarché, mais je n’avais jamais pensé que mes économies sur les produits pas chers me coûtaient plus cher en taxes, en santé et en assurances…”

Il est temps de comprendre que la convivialité des repas ne se joue pas dans l’abondance et la quantité de déchets (même pas triés) qui en découle. La qualité de vie ne se mesure pas au nombre d’objets possédés ou de destinations visitées.

Dans une France à +4°C, certaines régions de la moitié nord connaîtront un risque de feu élevé selon des fréquences rencontrées actuellement sur l’arrière-pays méditerranéen. La saison des feux pourrait durer un à deux mois supplémentaires.

Les vrais pyromanes ne sont pas seulement ceux qui craquent l’allumette. Ce sont tous ceux qui, par leurs choix de consommation quotidiens, alimentent les conditions du réchauffement climatique qui rend nos forêts inflammables.

Publié dans Melles750.fr – Magazine en ligne des Pyrénées et des modes de vie écoresponsables

 

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