Alinea (encore) en redressement judiciaire
Changer la décoration n’aura pas suffit
L’histoire qui se répète
Voilà une situation qui aurait dû rester unique. Pourtant, le tribunal des activités économiques de Marseille a placé Alinea en redressement judiciaire en novembre 2025, soit exactement cinq ans après la première mise en redressement de 2020. Cette enseigne française d’ameublement, fondée en 1989 à Avignon, se retrouve une nouvelle fois en grande difficulté financière, avec des pertes de 47 millions d’euros enregistrées en 2024 pour un chiffre d’affaires de 162 millions.
Cela signifie une chose simple : l’opération de sauvetage menée en 2020 n’a pas vraiment fonctionné. À l’époque, en pleine pandémie de Covid-19, le tribunal avait autorisé une reprise de l’entreprise par ses propres actionnaires. Cette solution est revenue, dans une ordonnance gouvernementale liée à la crise sanitaire, à permettre que la famille Mulliez conserve le contrôle de l’enseigne. Mais les résultats parlent d’eux-mêmes.
Une première crise déjà coûteuse
La première mise en redressement de 2020 n’a pas eu de conséquences légères. Alinea y a laissé plumes et salariés : le groupe a perdu 17 magasins sur 26, soit une fermeture de 65 % de son réseau. En termes d’emplois, c’est presque aussi brutal. Environ 1000 salariés sur 1800 ont perdu leur poste, une réduction de 56 % de l’effectif. Quand on voit ces chiffres, on comprend que la reprise de 2020 n’a été qu’un semi-sauvetage.
Aujourd’hui, Alinea compte encore 36 magasins et 1200 salariés, une situation manifestement toujours fragile. Le tribunal a accordé une période d’observation de six mois, et c’est le 12 janvier 2026 que l’entreprise devra présenter sa solution pour poursuivre son activité. Cherchera-t-elle des repreneurs externes ? Sollicitera-t-elle à nouveau ses actionnaires ? Les syndicats redoutent déjà une reprise partielle qui ne porterait pas sur tous les magasins.
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Le tribunal sera-t-il aussi complaisant qu’avant ?
C’est la question que se posent tous les observateurs du dossier. En 2020, le tribunal a pris une décision bienveillante envers la famille Mulliez en autorisant une reprise sans réel repreneur externe. Cette décision, facilitée par les circonstances exceptionnelles du Covid-19, avait du moins le mérite de préserver un certain nombre d’emplois et de continuité commerciale. Mais elle n’a finalement résolu aucun des problèmes structurels d’Alinea.
Cette fois-ci, le contexte n’est plus celui d’une crise sanitaire exceptionnelle. Il s’agit d’une faiblesse durable du modèle économique. Le tribunal aura-t-il la même indulgence ? Permettra-t-il une nouvelle reprise par les actionnaires eux-mêmes, alors que le bilan de la précédente est mitigé au mieux ? Ou imposera-t-il une véritable solution de reprise externe, avec de vrais investisseurs capables d’insuffler une nouvelle dynamique ?
Le piège de la montée en gamme
Au-delà des chiffres, il y a une vraie question stratégique. Après 2020, Alinea a tenté de changer d’image. L’enseigne s’est positionnée sur un segment plus haut de gamme, abandonnant son positionnement de base pour des clients aux budgets plus importants. Dans le même temps, elle s’est engagée vers une offre plus locale, avec du mobilier et de la décoration provenant de créateurs régionaux et petits producteurs.
Ces choix ressemblaient à une bonne idée sur le papier. Faire du premium. Raconter une histoire. Répondre aux attentes d’une clientèle éducée et consciente des enjeux écologiques. Mais voilà le problème : Alinea ne s’appellait pas Alinea pour les clients haut de gamme. C’était un lieu où l’on trouvait du mobilier fonctionnel à un prix accessible. En changeant d’ADN, l’enseigne a perdu ses clients de base sans pour autant convaincre les clients de prestige, qui s’adressent à des marques établies sur ce segment.
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Les clients d’avant, disparus
Il suffit de discuter avec d’anciens clients d’Alinea pour comprendre ce qui s’est passé. Ceux qui achetaient chez Alinea parce que c’était abordable ne s’y retrouvent plus. Les nouveaux prix, les nouvelles collections, tout cela les regarde de loin. Soit ils ont trouvé d’autres enseignes généralistes à meilleur marché, soit ils se sont habitués à faire autrement. Peu reviendront.
Et les clients militants, qui ne sont pas dupes
De l’autre côté, les clients militants, ceux sensibles à la qualité, à l’origine des produits et à l’écologie, ne sont pas tombés dans le piège du simple changement de positionnement. Ils savent qui est derrière Alinea. Et pour beaucoup, ce passé reste problématique. L’association de la marque avec un certain modèle de consommation de masse, même si elle a évolué, ne s’efface pas en quelques années de marketing. L’authenticité, ce ne se décide pas en réunion de direction.
Cette mutation tentée s’est avérée peu convaincante. Les anciens clients l’ont abandonnée, les nouveaux prospects ne croyaient pas à la sincérité du changement, et entre les deux, Alinea s’est retrouvée orpheline de tout positionnement clair.
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La question de la viabilité structurelle
Au-delà de ces questions commerciales, il faut interroger les fondamentaux. Alinea vend des meubles. Le marché du meuble en France est un marché mature, saturé et hyper-concurrentiel. On trouve du mobilier à bas prix chez Ikea, du mobilier design chez des spécialistes du haut de gamme, et entre les deux, une multitude de petits acteurs. Où se positionner vraiment quand on a perdu ses deux ancres, celle du prix bas et celle de la marque reconnue comme premium ?
Les pertes financières de 47 millions en 2024 ne sont pas une fluctuation. Elles témoignent d’une structure qui ne fonctionne pas. Le chiffre d’affaires de 162 millions n’est pas assez élevé pour supporter les coûts généraux d’une enseigne nationale avec 36 magasins.
Quelle solution pour le 12 janvier ?
La date clé est celle du 12 janvier 2026. À ce moment-là, Alinea doit dire si elle a trouvé une solution. Plusieurs scénarios sont envisageables. Le premier : une nouvelle reprise par les actionnaires eux-mêmes. C’est la facilité administrative, mais c’est aussi admettre que cinq ans n’ont rien changé aux problèmes structurels. Le second : une reprise partielle par un investisseur externe qui ne conserverait que les magasins les plus rentables, ce qui signifierait fermetures et suppressions d’emplois. Le troisième : une liquidation, le scénario catastrophe pour les 1200 salariés.
Le tribunal devra trancher. Et cette fois, il ne peut pas se contenter d’une ordonnance gouvernementale exceptionnelle. Il faut une vraie solution économique.
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Une leçon sur les changements d’image en entreprise
Le cas d’Alinea offre une leçon intéressante sur les limites du repositionnement commercial. On ne change pas l’image d’une marque de grand public en quelques années, même avec les meilleures intentions. Les clients ne sont pas des variables à manipuler dans une feuille de calcul. Ils ont des attentes, une histoire avec une marque, une logique de confiance qui ne se réinvente pas par décret.
Alinea a voulu devenir un autre, plus noble, plus consciencieux. C’est une belle ambition. Mais cela demande plus qu’un changement de collections et de positionnement marketing. Cela demande une refonte complète, une nouvelle marque souvent. Ou accepter de rester soi-même en améliorant ce qu’on était déjà.
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En attendant janvier
Les salariés d’Alinea attendent avec inquiétude cette échéance de janvier. Deux mois pour décider de l’avenir de 1200 postes, c’est peu. Les syndicats redoutent déjà des fermetures partielles. La direction cherche des repreneurs, mais dans une confidentialité qui n’inspire pas confiance.
Et les clients, anciens et nouveaux, regarderont de loin ce qui se passera. Pour les uns, Alinea, c’est de l’histoire ancienne. Pour les autres, c’est une marque qu’on observe sans y croire vraiment. Quelle que soit la solution que le tribunal adoptera, celle-ci devra être plus solide que la précédente. Car une troisième mise en redressement judiciaire serait l’aveu que rien n’a jamais vraiment fonctionné. Peut-on déjà dire que pour Alinéa ça sent le sapin ?