Gravel : le nouveau trail ?
Quand le vélo et la course à pied empruntent les mêmes chemins de traverse
Des coursives de gravier aux sentiers forestiers, une nouvelle manière de pratiquer le sport outdoor séduit un public croissant. Entre vélo et course à pied, le gravel s’impose comme une pratique hybride qui questionne nos habitudes sportives. Simple effet de mode ou véritable évolution des pratiques ? Décryptage d’un phénomène qui bouscule les codes sans faire table rase du passé.
Le gravel vélo, une discipline qui trouve son rythme
Depuis quelques années, le terme “gravel” s’est installé dans le vocabulaire des cyclistes. Ce mot anglais désignant le gravier caractérise un vélo hybride, à mi-chemin entre le vélo de route et le VTT. Plus léger qu’un tout-terrain, plus confortable qu’un vélo de course, il permet de passer de l’asphalte aux chemins caillouteux sans perdre en efficacité.
La discipline connaît une progression notable. Selon les données du marché, le secteur du gravel vélo devrait atteindre 1,32 milliard de dollars d’ici 2033, avec une croissance annuelle de 3,5 %. Cette expansion s’explique par plusieurs facteurs : la recherche de nouvelles expériences cyclistes, le désir d’éviter le trafic automobile, et une accessibilité qui séduit autant les débutants que les cyclistes confirmés.
Quand les champions changent de braquet
L’intérêt des professionnels pour le gravel illustre cette tendance. Romain Bardet, double podium du Tour de France, a fait le choix du gravel après sa retraite du cyclisme sur route en juin 2025. Dès sa deuxième course dans la discipline, il remportait une victoire en Coupe du monde en Italie. Quelques semaines plus tard, il devenait vice-champion de France avant de disputer ses premiers championnats du monde en octobre.
Cette transition rapide interroge. Pour Bardet, le gravel représente avant tout une quête de liberté : “Le gravel évite de planifier, puisqu’on passe partout. C’est une sensation de liberté”, confie-t-il. Loin de la pression du peloton professionnel, il découvre une pratique qui privilégie l’exploration et le plaisir au palmarès. Il n’est pas seul. Peter Sagan, Greg Van Avermaet, Mathieu van der Poel ou Pauline Ferrand-Prévôt ont également succombé aux charmes de cette discipline qui permet de courir sans assistance mécanique, seul avec son vélo sur des terrains variés.
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Le gravel running débarque sur les chemins
Le phénomène ne se limite pas au vélo. Depuis quelques mois, le terme “gravel running” fait son apparition dans l’univers de la course à pied. Le concept ? Courir sur des chemins stabilisés, entre la route goudronnée et les sentiers techniques du trail. Pistes forestières, voies vertes, chemins agricoles : autant de terrains qui offrent un compromis entre fluidité et immersion nature.
Cette pratique n’a rien d’inédit. Les coureurs ont toujours emprunté des chemins variés lors de leurs sorties. Ce qui change, c’est la formalisation d’une approche spécifique, avec un équipement adapté. Les marques l’ont bien compris. Salomon a développé une gamme complète dédiée au gravel running, tandis qu’Asics, Saucony ou New Balance adaptent leurs modèles route avec des semelles plus accrocheuses.
Un entre-deux qui séduit
Le gravel running se positionne comme une alternative accessible. Moins intimidant que le trail avec ses dénivelés vertigineux et ses passages techniques, plus dépaysant que la course sur route, il attire ceux qui cherchent à varier leur pratique sans se lancer dans l’ultra-trail. Les surfaces mixtes offrent un amorti naturel qui préserve les articulations, tout en maintenant une allure fluide.
Pour les adeptes, le gravel running représente aussi un état d’esprit. Fini les chronos obsessionnels et les montres GPS qui vibrent sans cesse. Place à la découverte territoriale, à la contemplation, à une forme de reconnexion avec l’environnement. Cette dimension “slow sport” séduit particulièrement dans un contexte de digitalisation excessive du sport amateur.
Des cousins de l’outdoor aux destins parallèles
Au-delà des différences de support, gravel vélo et trail running partagent une histoire commune. Les deux disciplines ont émergé d’une même volonté : fuir les contraintes des sports trop codifiés pour retrouver une forme de liberté. Dans les années 2000, le trail s’est développé en marge du running classique, attirant ceux qui voulaient quitter le bitume. Le gravel suit aujourd’hui un cheminement similaire.
Cette parenté se manifeste dans les valeurs partagées : l’endurance, l’attrait pour la nature, le besoin d’autonomie, une certaine tolérance dans les pratiques. Des traileurs pratiquent le gravel vélo, des cyclistes s’essaient au trail. Le Roc d’Azur, événement VTT historique, a d’ailleurs intégré des épreuves de trail à son programme, reconnaissant cette porosité entre les disciplines outdoor.
La tentation de l’institutionnalisation
Cette popularité grandissante attire les convoitises. L’Union Cycliste Internationale organise depuis 2022 des championnats du monde de gravel, avec un palmarès déjà prestigieux. En France, la Fédération Française de Cyclisme tente de structurer la pratique. Un scénario que le trail a connu avant lui, passant d’une discipline marginale à un sport organisé avec ses circuits, ses sponsors et ses règles.
Cette institutionnalisation soulève des questions. Le gravel va-t-il conserver son esprit originel de liberté et d’exploration, ou va-t-il suivre la même trajectoire que d’autres sports outdoor, progressivement standardisés ? Les débats rappellent ceux qui ont agité le monde du trail il y a quelques années. Entre marketing et authenticité, la ligne de crête reste étroite.
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Marketing ou véritable tendance de fond ?
La question mérite d’être posée sans langue de bois. Le terme “gravel” est-il autre chose qu’un habillage marketing pour des pratiques qui existaient déjà ? Les cyclistes empruntaient les chemins bien avant l’invention du gravel bike. Les coureurs sortaient des sentiers battus sans attendre qu’on leur donne un nom spécifique.
Pourtant, nommer une pratique n’est pas anodin. Cela permet de mieux en cerner les contours, d’identifier une communauté, de développer un équipement adapté. Les chaussures de gravel running, par exemple, offrent un compromis pertinent entre chaussures de route et de trail, avec des crampons modérés et un amorti équilibré. Ce n’est pas juste du marketing, c’est une réponse technique à un besoin réel.
L’équipement au service de la pratique
Les innovations technologiques accompagnent cette évolution. Pour le gravel vélo, les systèmes de transmission s’améliorent constamment. Les nouveaux groupes SRAM Apex Eagle ou Shimano GRX offrent des rapports de démultiplication adaptés aux pentes raides, avec une capacité d’escalade augmentée de 30 % par rapport aux transmissions classiques. Les pneus s’élargissent, passant de 50 mm à 60 mm, voire plus, pour améliorer le confort et la traction.
Du côté du gravel running, les marques rivalisent d’ingéniosité pour créer des chaussures polyvalentes. Salomon, pionnier dans le domaine, a développé une gamme complète avec des semelles intermédiaires inspirées de la route et une protection renforcée pour les terrains mixtes. D’autres marques adaptent leurs modèles existants, preuve que le besoin est réel et ne se limite pas à un simple coup de communication.
Un nouvel accès aux sports de nature
Au-delà du débat sur l’authenticité, le gravel présente un avantage indéniable : il démocratise l’accès aux sports outdoor. Pas besoin de partir en montagne pour pratiquer le gravel running. Les parcs urbains, les voies vertes, les chemins de campagne suffisent. Cette proximité lève les barrières logistiques qui peuvent freiner la pratique du trail traditionnel.
Pour le vélo, le constat est similaire. Le gravel permet d’explorer son territoire proche sans se limiter aux routes bitumées ni s’aventurer sur des singles trop techniques. Cette polyvalence séduit particulièrement les citadins en quête de nature accessible. Selon certaines études, plus de 44 % des urbains européens utilisent régulièrement leur vélo, et le gravel s’inscrit naturellement dans cette dynamique.
La question de l’impact environnemental
Cette accessibilité pose néanmoins question. L’afflux de pratiquants sur les chemins peut-il générer une surfréquentation dommageable pour les milieux naturels ? Le trail a déjà fait face à cette problématique, avec des courses qui drainent des milliers de participants sur des sentiers fragiles. Le gravel devra trouver un équilibre entre développement de la pratique et préservation des espaces naturels.
Certains y voient justement une opportunité. En dispersant les pratiquants sur un réseau plus large de chemins moins techniques, le gravel pourrait réduire la pression sur les spots de trail les plus courus. Une hypothèse qui reste à vérifier, mais qui invite à repenser la manière dont nous occupons l’espace naturel dans nos pratiques sportives.
Vers une hybridation des pratiques sportives
Le gravel illustre une tendance plus large dans le sport : le décloisonnement des disciplines. Les pratiquants refusent de plus en plus de se cantonner à une seule activité. Ils cherchent la complémentarité, alternant vélo et course à pied selon les saisons, les envies, les contraintes. Cette approche multisport n’est pas nouvelle – le triathlon existe depuis longtemps – mais elle se diffuse désormais dans des formes plus libres.
Cette fluidité remet en question les modèles fédéraux traditionnels. Comment structurer une pratique qui se caractérise justement par son refus des cadres rigides ? Les fédérations de cyclisme et de course à pied tentent de s’adapter, créant des licences spécifiques, organisant des événements dédiés. Mais elles se heurtent à une communauté qui valorise avant tout l’autonomie et la spontanéité.
Le plaisir retrouvé
Au fond, le succès du gravel tient peut-être dans quelque chose de plus simple : le plaisir. Plaisir de découvrir de nouveaux terrains sans pression de performance. Plaisir de ralentir pour admirer un paysage. Plaisir de s’arrêter dans un café de village sans culpabiliser sur le chrono perdu. Cette dimension hédoniste répond à une lassitude face à la compétitivité omniprésente dans le sport amateur.
Romain Bardet le résume bien : “Je ne suis pas là pour me construire un palmarès mais pour partager des moments avec des gens que j’aime sur des épreuves sympas”. Cette philosophie, partagée par de nombreux pratiquants de gravel, vélo comme course à pied, pourrait bien être la clé de la longévité de ces disciplines. Non pas comme alternatives au trail ou à la route, mais comme pratiques complémentaires qui enrichissent l’expérience sportive.
Alors, le gravel, nouveau trail ?
La réponse est à la fois oui et non. Oui, dans le sens où le gravel vélo et le gravel running empruntent à l’esprit du trail : la recherche de nature, l’envie d’exploration, le rejet des contraintes urbaines. Ils répondent aux mêmes aspirations et attirent des profils similaires. Le parallèle entre l’essor du trail dans les années 2000 et celui du gravel aujourd’hui est frappant.
Mais non, le gravel n’est pas un simple décalque du trail. Il propose une approche différente, moins engagée techniquement, plus accessible géographiquement, plus polyvalente dans les terrains praticables. Il ne remplace pas le trail, il complète l’offre de pratiques outdoor. Comme le trail n’a pas tué la course sur route, le gravel ne fera pas disparaître les autres disciplines. Il s’ajoute à un écosystème sportif qui s’enrichit et se diversifie.
Le véritable enjeu n’est pas de savoir si le gravel va supplanter d’autres pratiques. La question est de savoir s’il saura conserver son âme – cette quête de liberté et de simplicité – tout en se structurant pour durer. Le trail y est parvenu, malgré les tensions entre authenticité et professionnalisation. Le gravel devra trouver son propre équilibre, en évitant les écueils d’une institutionnalisation trop rapide qui pourrait le dénaturer.
En attendant, sur les chemins de campagne, les pistes forestières et les voies vertes, vélos et coureurs se croisent, animés par les mêmes envies d’air pur et de liberté. Peut-être est-ce finalement cela, la vraie nouveauté du gravel : rappeler que le sport peut rester simple, spontané, et avant tout source de plaisir.