Written by 21h44 Consommation, Eau, Ecologie, Economie circulaire, Ecoresponsable

Le réemploi alimentaire : l’émergence d’une économie circulaire des contenants

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Le réemploi alimentaire : l’émergence d’une économie circulaire des contenants

Entre contraintes réglementaires et innovations locales

 

Un contexte environnemental préoccupant

Chaque année en France, 10 millions de tonnes de nourriture sont gaspillées ou perdues tout au long de la chaîne alimentaire. Parallèlement, l’humanité produit plus de 430 millions de tonnes de plastique annuellement, dont 46 % finissent en décharge et 22 % deviennent des déchets sauvages mal gérés.

Face à ces constats alarmants, le réemploi alimentaire émerge comme une réponse concrète. Cette approche consiste à nettoyer, stériliser et remettre en circulation les contenants alimentaires plutôt que de les jeter après usage. Une démarche qui s’inscrit dans une logique d’économie circulaire visant à « dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter ».

L’impact carbone du gaspillage alimentaire

Selon l’ADEME, l’impact carbone annuel du gaspillage alimentaire français représente 15,3 millions de tonnes équivalent CO2, soit 3 % de l’ensemble des émissions nationales.

Un cadre législatif en pleine évolution

La France s’est dotée d’un arsenal législatif ambitieux pour accompagner cette transition. La loi EGalim de 2018 prévoit l’interdiction des contenants en plastique à usage unique dans la restauration collective dès janvier 2025. Cette mesure concerne tous les établissements scolaires, de santé et d’accueil des enfants de moins de six ans des collectivités de plus de 2 000 habitants.

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) de 2020 va plus loin en fixant « la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040 ». Cette trajectoire s’accompagne d’objectifs intermédiaires : réduction de 20 % des emballages plastiques à usage unique dont au minimum la moitié via le réemploi, et diminution de 50 % du nombre de bouteilles en plastique à usage unique.

Les contenants autorisés : un choix restreint mais durable

Selon le décret du 28 janvier 2025, seuls les contenants fabriqués en inox, verre, porcelaine ou céramique sont conformes à la réglementation pour la cuisson, le réchauffage et le service. Les plastiques réemployables restent exclus de ces usages, bien qu’autorisés pour le portage à domicile.

Calendrier d’application

2025 : collectivités de plus de 2 000 habitants

2028 : extension à l’ensemble des collectivités

L’innovation technique au service du réemploi

Pour répondre à cette transformation réglementaire, de nouveaux acteurs économiques émergent. L’exemple d’Evidence.eco, première centrale de lavage de contenants alimentaires d’Occitanie, installée au marché d’intérêt national (MIN) de Toulouse depuis mai 2024, illustre cette dynamique.

Une technologie de pointe venue d’Allemagne

La centrale dispose d’un tunnel de lavage hyper-performant capable de traiter jusqu’à 5 millions de pièces par an. Cette machine peut accueillir tous types de contenants : bocaux, bacs, caisses, seaux, lunch box, gobelets réutilisables, vaisselle et couverts, qu’ils soient en inox, en verre ou en plastique.

Le processus technique est rigoureux : la machine traite jusqu’à 130 caisses de 49 contenants par heure, lave à une température de 85 degrés pour respecter les normes de stérilisation agro-alimentaires, puis sèche et ventile. En cas de salissures tenaces, une phase de trempage et de grattage précède le lavage.

Performance et éco-conception

Les vapeurs d’eau émises par la machine servent au préchauffage de l’eau, illustrant une approche véritablement circulaire

Investissement initial : 320 000 € pour une capacité industrielle

Des applications multisectorielles

Le réemploi alimentaire trouve des débouchés variés, de l’événementiel à la restauration collective. Evidence.eco a fait ses preuves lors du Rose Festival 2024, lavant plus de 100 000 écocups pour 110 000 festivaliers. Une « épreuve du feu » selon Mathieu Mendegris, cofondateur de l’entreprise avec sa femme Charlotte.

Un écosystème local en développement

La réussite d’Evidence.eco repose sur des partenariats avec de nombreux acteurs toulousains de l’alimentaire durable : Le Drive tout nu, Bocal en Boucle, Le Fourgon ou encore Consign’Up. Ces collaborations illustrent l’émergence d’un véritable écosystème du réemploi.

L’entreprise cible également les collectivités et la restauration collective. Les enjeux sont considérables : le programme RECOLIM estime qu’il serait possible d’éviter 12 000 barquettes en plastique par jour dans les cantines franciliennes, soit 84 tonnes de déchets plastiques évités annuellement.

Une histoire née d’une prise de conscience

L’aventure Evidence.eco a commencé en 2021 devant un réfrigérateur rempli de yaourts et un bac de tri débordant de plastique. Ce déclic familial a mené Charlotte et Mathieu Mendegris vers l’identification d’un manque : l’absence de solutions de lavage dédiées sur le territoire.

Les défis de la mise en œuvre

Repenser toute la chaîne logistique

La transition vers les contenants réemployables nécessite une refonte complète des processus : choix des contenants adaptés à l’usage, à la température et aux volumes servis, mise en place d’un circuit de collecte, de lavage et de redistribution, maîtrise de l’hygiène à chaque étape avec des process industriels certifiés, et suivi de la traçabilité des lots pour garantir la sécurité alimentaire.

Des investissements soutenus par les pouvoirs publics

Pour accompagner cette transition, l’ADEME a mis en place un programme d’aide spécifique. Une enveloppe de 10 millions d’euros a été consacrée au réemploi pour les emballages non ménagers en 2023. Ces aides financières s’accompagnent d’un accompagnement technique, car la loi n’impose pas aux établissements de gérer l’ensemble du processus en interne.

L’émergence d’un nouveau secteur

Selon le Réseau Vrac et Réemploi, on compte en France une soixantaine de centrales de lavage et seulement trois en Occitanie. Un marché en pleine structuration qui offre de nouvelles opportunités économiques.

Impact économique et environnemental

L’économie circulaire appliquée aux contenants alimentaires génère de nouveaux emplois. En 2018, près de 72 000 emplois concouraient à l’allongement de la durée d’usage des produits en Île-de-France seulement, à travers des activités de location, réparation, réemploi ou réutilisation.

Un potentiel de développement considérable

Les marges de progression restent importantes. En France, les quantités réemployées ou réutilisées atteignent un peu plus de 800 000 tonnes, alors que les déchets générés pour les mêmes catégories de produits représentent environ 10 millions de tonnes. Ce ratio révèle un potentiel énorme de développement pour le secteur.

L’économie circulaire permet de créer de la valeur tout en préservant les ressources naturelles. Elle favorise l’émergence de nouveaux modèles économiques basés sur la fonctionnalité plutôt que sur la propriété, encourageant ainsi une consommation plus sobre et responsable.

Les nouveaux métiers du réemploi

Traçabilité, collecte, transport, stockage, tri, lavage et remise en circulation des emballages

Une filière en structuration qui nécessite des compétences techniques et logistiques spécialisées

Perspectives pour nos territoires pyrénéens

Dans les Pyrénées Haut-Garonnaises, territoire marqué par une forte sensibilité environnementale, le réemploi alimentaire trouve un écho particulier. Les modes de vie écoresponsables qui devraient caractériser nos montagnes créent un terreau favorable au développement de ces pratiques.

Un enjeu pour le tourisme durable

Une préoccupation que l’on retrouve dans l’organisation de certains évènements comme le CosmoJazz. Le réemploi des contenants alimentaires répond à cette attente tout en préservant nos paysages exceptionnels, particulièrement sensibles à la pollution plastique.

Les refuges de montagne, les festivals en altitude et les structures d’hébergement touristique pourraient bénéficier de ces innovations. La proximité géographique avec l’écosystème toulousain, illustré par Evidence.eco, ouvre des perspectives de collaboration et d’adaptation aux spécificités de notre territoire.

Une opportunité territoriale

Le développement du réemploi alimentaire dans les Pyrénées pourrait renforcer l’attractivité touristique tout en créant de nouvelles filières économiques locales, en phase avec les valeurs environnementales de nos territoires.

Vers un avenir plus circulaire

Le réemploi alimentaire s’impose progressivement comme une nécessité économique et environnementale. Les innovations techniques, illustrées par des entreprises comme Evidence.eco, démontrent qu’il est possible de concilier performance industrielle et respect de l’environnement.

Cette transition dessine les contours d’une économie plus circulaire où chaque contenant retrouve une seconde vie. Pour nos territoires pyrénéens, elle représente une opportunité de renforcer leur positionnement en matière de développement durable tout en préservant la beauté de nos paysages pour les générations futures.

 

 

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