Entre restrictions budgétaires et ambitions écologiques inexistantes, le dispositif reprend dans un cadre drastiquement restreint
L’essentiel : Après trois mois de fermeture, MaPrimeRénov’ rouvre ses portes ce 30 septembre 2025, mais dans des conditions qui suscitent l’inquiétude des professionnels et des ménages. Avec seulement 13 000 dossiers acceptés d’ici la fin de l’année, des plafonds divisés par deux et une éligibilité restreinte aux foyers les plus modestes, cette reprise ressemble davantage à un coup de frein qu’à une relance de la rénovation énergétique en France.
Le 23 juin 2025 restera comme une date charnière pour la politique de rénovation énergétique française. Ce jour-là, le gouvernement décidait de suspendre brutalement le guichet MaPrimeRénov’ consacré aux rénovations d’ampleur, invoquant une explosion des demandes et la détection de milliers de cas de fraude. Plus de 90 000 dossiers avaient été déposés au premier semestre, dont 61 000 attendaient encore un traitement. Cent jours plus tard, la réouverture annoncée pour ce 30 septembre s’accompagne d’un arsenal de restrictions qui laissent perplexes les acteurs du secteur.
Un quota drastique qui inquiète
Le chiffre a de quoi surprendre : seulement 13 000 nouveaux dossiers seront acceptés entre septembre et décembre 2025. Un quota qui paraît dérisoire face aux besoins exprimés et à l’objectif initial de 62 000 rénovations globales pour l’année. Cette limitation drastique s’explique par une contrainte budgétaire majeure : l’enveloppe de 3,6 milliards d’euros prévue pour 2025 est déjà largement entamée, et le ministère du Logement anticipe même un dépassement de ce budget.
Plus préoccupant encore, les dossiers déposés entre septembre et décembre ne seront instruits et engagés qu’au premier trimestre 2026, et uniquement sous réserve du vote de la loi de finances. Cette incertitude plane comme une épée de Damoclès sur des milliers de projets de rénovation, laissant les propriétaires dans l’expectative quant au financement effectif de leurs travaux.
Les nouveaux plafonds de travaux
- 30 000 € pour un gain de 2 classes énergétiques (contre 40 000 € précédemment)
- 40 000 € pour un gain de 3 classes ou plus (contre 55 000 € à 70 000 € selon les cas)
- Suppression totale du bonus de 10 % pour la sortie du statut de passoire énergétique
Une éligibilité restreinte aux plus modestes
La réouverture du dispositif s’effectue selon un système de priorisation strict. Dans un premier temps, seuls les propriétaires aux revenus très modestes pourront déposer un dossier. Pour une personne seule hors Île-de-France, le plafond est fixé à 23 700 euros de revenu fiscal de référence annuel, et à 34 500 euros pour un couple. Ces seuils correspondent aux barèmes de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et limitent considérablement le périmètre des bénéficiaires potentiels.
Les ménages aux revenus modestes ne seront invités à déposer leurs demandes que dans un second temps, en fonction de la dynamique de dépôt et uniquement si le dispositif n’est pas saturé. Cette approche séquentielle soulève des questions légitimes : combien de temps faudra-t-il avant que le quota de 13 000 dossiers soit atteint ? Les foyers modestes auront-ils réellement leur chance ?
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Des conditions d’accès durcies
Au-delà des restrictions budgétaires et des plafonds de revenus, les conditions techniques d’éligibilité se durcissent également. Désormais, seuls les logements classés E, F ou G au diagnostic de performance énergétique (DPE) peuvent prétendre à MaPrimeRénov’ rénovation d’ampleur. Cette mesure vise à concentrer les aides sur les passoires thermiques, mais elle exclut de facto tous les logements classés D qui auraient pu bénéficier du dispositif auparavant.
Les travaux éligibles doivent permettre un gain minimal de deux classes sur le DPE et comprendre au moins deux postes de travaux traitant l’enveloppe du bâtiment parmi quatre catégories : isolation des murs, isolation de la toiture, remplacement des fenêtres, ou isolation des planchers bas. Pour chaque type de travaux, les surfaces concernées doivent représenter au moins 25 % du logement, une exigence qui garantit l’ampleur réelle des rénovations mais peut aussi complexifier certains projets.
MaPrimeRénov’ par geste : des restrictions annoncées pour 2026
Si le volet « rénovation d’ampleur » fait l’objet de toutes les attentions, le parcours « par geste » n’échappe pas aux ajustements budgétaires. Jusqu’au 31 décembre 2025, ce dispositif destiné aux travaux ciblés reste accessible dans ses conditions actuelles, permettant aux propriétaires de réaliser une seule opération de rénovation énergétique à la fois.
Mais dès le 1er janvier 2026, le périmètre des travaux aidés se réduira considérablement. Les décrets publiés au Journal officiel le 9 septembre 2025 actent l’exclusion de plusieurs catégories de travaux : l’isolation des murs par l’intérieur ou par l’extérieur disparaît totalement du dispositif, l’isolation n’étant maintenue que pour les combles et le sol. Les chaudières biomasse à bois ou granulés sont également exclues, même si les poêles à bois ou à granulés, jugés moins coûteux, restent éligibles.
Nouvelles contraintes 2026 pour le parcours par geste
- Exclusion des logements classés F ou G du parcours par geste
- Obligation de fournir un DPE ou un audit énergétique dès l’entrée dans le parcours
- Obligation de coupler un geste d’isolation à un geste de chauffage
- Maintien de l’isolation uniquement pour les combles et le sol
La fraude, un argument à double tranchant
Le gouvernement justifie en partie ces restrictions par la nécessité de lutter contre la fraude, qui a pris une ampleur préoccupante. Les services de Tracfin et de la direction générale des finances publiques ont identifié cet été 5 000 dossiers frauduleux concernant les rénovations d’ampleur et 8 000 pour les travaux monogestes. En 2024, l’Agence nationale de l’habitat avait déjà évité 229 millions d’euros de fraudes, même si 8 millions avaient été confirmés et 50 millions restaient suspectés.
Des sanctions ont été prises à l’encontre des entreprises concernées, mais cette lutte nécessaire contre les abus ne doit pas servir d’alibi à un désengagement budgétaire de l’État. Car si la fraude existe et doit être combattue avec fermeté, elle ne représente qu’une fraction des dossiers déposés. Pénaliser l’ensemble des propriétaires de bonne foi pour quelques milliers de fraudeurs pose question sur l’équilibre entre vigilance et accessibilité des aides publiques.
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Un secteur du bâtiment sous tension
Les professionnels du bâtiment ne cachent pas leur inquiétude face à ces bouleversements successifs. Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment, réclame un système stable et prévient que, sans retour en arrière, la rénovation énergétique risque de stagner. Son constat est partagé par de nombreux acteurs du secteur qui dénoncent une instabilité réglementaire chronique, préjudiciable tant aux entreprises qu’aux particuliers.
Audrey Zermati, du groupe Effy, souligne que ces conditions sont largement insuffisantes pour relancer la rénovation globale en 2025. La limitation du nombre de dossiers et la réduction des montants d’aide constituent, selon elle, des obstacles majeurs alors que l’urgence climatique nécessiterait au contraire d’accélérer ces projets. Pierre-François Morin, d’Hello Watt, partage ce point de vue en regrettant que ces nouvelles conditions freinent les initiatives des particuliers au moment où la sensibilisation aux enjeux énergétiques atteint son plus haut niveau.
Que reste-t-il des ambitions climatiques ?
La France s’est engagée à rénover 500 000 logements par an dans le cadre de sa stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le bâtiment représente environ 25 % des émissions nationales, et la rénovation énergétique constitue un levier majeur pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Dans ce contexte, les restrictions annoncées sur MaPrimeRénov’ interrogent sur la cohérence entre les objectifs affichés et les moyens réellement déployés.
Avec seulement 13 000 dossiers acceptés pour le dernier trimestre 2025 et un stock de 61 000 dossiers en attente, le compte n’y est manifestement pas. L’objectif de 62 000 rénovations globales pour l’année paraît désormais inaccessible, et les perspectives pour 2026 ne sont guère plus encourageantes compte tenu des restrictions supplémentaires annoncées sur le parcours par geste.
Les alternatives pour les ménages exclus
Face à ces restrictions, les propriétaires qui ne rentrent pas dans les nouveaux critères d’éligibilité ne sont pas totalement démunis. L’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) reste accessible et permet de financer jusqu’à 50 000 euros de travaux de rénovation énergétique sans intérêts. Les critères techniques de cet éco-PTZ ont d’ailleurs été harmonisés avec ceux de MaPrimeRénov’ dans les décrets de septembre 2025.
Certaines banques proposent également des taux de crédit immobilier bonifiés pour encourager les rénovations énergétiques. Les collectivités territoriales peuvent aussi offrir des aides complémentaires, même si leur montant et leurs conditions varient considérablement d’une région à l’autre. Enfin, les certificats d’économies d’énergie (CEE) restent mobilisables, même si leur montant a tendance à diminuer avec la baisse progressive des obligations.
L’incertitude budgétaire plane sur 2026
L’un des aspects les plus préoccupants de cette réouverture tient à l’incertitude qui entoure le traitement des dossiers déposés en fin d’année 2025. Le ministère du Logement a clairement indiqué que l’instruction et l’engagement des dossiers déposés entre septembre et décembre 2025 ne se feraient qu’au premier trimestre 2026, sous réserve du vote de la loi de finances.
Cette réserve n’est pas anodine dans le contexte politique et budgétaire actuel. Elle signifie concrètement que des milliers de propriétaires qui auront obtenu l’acceptation de leur dossier fin 2025 pourraient se retrouver dans l’impossibilité de faire financer leurs travaux si le budget 2026 ne prévoit pas les crédits nécessaires. Cette épée de Damoclès budgétaire crée une insécurité juridique et financière majeure pour les particuliers comme pour les entreprises du bâtiment.
Des paramètres destinés à durer
Les décrets et arrêtés publiés au Journal officiel le 9 septembre 2025 ne constituent pas une simple parenthèse. Le gouvernement a clairement indiqué que ces nouveaux paramètres ont vocation à s’appliquer sur toute l’année 2026, tant pour la rénovation d’ampleur que pour les travaux monogestes, afin de donner de la visibilité aux entreprises et aux ménages. Mais cette « visibilité » ressemble davantage à un horizon bouché qu’à une perspective encourageante.
La prolongation des monogestes sur toute l’année 2026, présentée comme une bonne nouvelle, s’accompagne en réalité d’un recentrage drastique sur les gestes financés. L’exclusion de l’isolation des murs, pourtant l’un des postes les plus efficaces en termes de gain énergétique, illustre la contradiction entre les objectifs climatiques et la réalité budgétaire.
⚠️ Points de vigilance
- Saturation rapide probable du quota de 13 000 dossiers
- Instruction des dossiers 2025 reportée à 2026, sous réserve du vote budgétaire
- Impossibilité de prévoir précisément quand les ménages modestes pourront déposer
- Risque d’exclusion définitive pour de nombreux projets de rénovation
Une reprise en trompe-l’œil
Trois mois après sa fermeture brutale, la réouverture de MaPrimeRénov’ apparaît donc comme une reprise en trompe-l’œil. Loin de marquer un nouveau départ pour la rénovation énergétique, elle acte un net recul dans les ambitions françaises en matière de transition écologique du bâtiment. Le quota de 13 000 dossiers pour le dernier trimestre 2025, soit à peine plus de 4 000 par mois, contraste violemment avec les 90 000 demandes déposées au premier semestre.
Les plafonds de travaux divisés par deux, passant de 70 000 à 30 000 ou 40 000 euros selon les cas, rendent difficile la réalisation de rénovations globales réellement performantes. De nombreux professionnels s’interrogent : comment atteindre un gain de trois classes énergétiques avec seulement 40 000 euros de travaux subventionnables dans certains logements anciens qui nécessiteraient des interventions bien plus lourdes ?
Le risque d’un découragement massif
Au-delà des chiffres, c’est le signal envoyé aux Français qui pose problème. Après des années de communication gouvernementale incitant à la rénovation énergétique, après avoir créé un élan d’adhésion qui s’est traduit par l’explosion des demandes au premier semestre 2025, le coup de frein brutal risque de générer un découragement massif. Les propriétaires qui ont entamé des démarches, consulté des entreprises, fait réaliser des audits énergétiques se retrouvent dans l’expectative.
Cette instabilité chronique du dispositif nuit gravement à la crédibilité des politiques publiques. Comment demander aux particuliers de s’engager dans des projets de rénovation souvent lourds et coûteux quand les règles du jeu changent tous les six mois ? Comment exiger des entreprises du bâtiment qu’elles se forment, s’équipent et recrutent pour accompagner cette transition quand la demande peut s’effondrer du jour au lendemain suite à une décision administrative ?
Entre urgence climatique et contrainte budgétaire
La réouverture de MaPrimeRénov’ illustre la difficulté pour l’État français de concilier urgence climatique et contrainte budgétaire. Face à un déficit public préoccupant et à une dette qui ne cesse de croître, le gouvernement fait le choix de rationner drastiquement les aides à la rénovation énergétique, quitte à compromettre ses objectifs en matière de transition écologique.
Cette décision n’est pas sans conséquences. Au-delà du report de milliers de projets de rénovation, elle risque de fragiliser tout un secteur économique et de décourager durablement les propriétaires. Les passoires thermiques resteront des passoires thermiques, continuant à peser lourdement sur le pouvoir d’achat de leurs occupants et sur le bilan carbone national.
À l’heure où le changement climatique s’accélère et où la précarité énergétique touche des millions de ménages français, la question se pose : peut-on vraiment se permettre de freiner ainsi la rénovation énergétique ? La réponse à cette interrogation déterminera non seulement l’avenir de MaPrimeRénov’, mais plus largement celui de la politique climatique française dans les années à venir. Le rendez-vous est pris pour le premier trimestre 2026, date à laquelle les dossiers déposés en fin d’année 2025 devraient enfin être instruits, sous réserve que le budget nécessaire soit effectivement voté.
Pour aller plus loin : Consultez le site officiel du ministère de la Transition écologique pour connaître les conditions précises d’éligibilité à MaPrimeRénov’ et déposer votre dossier dès le 30 septembre 2025.
Article publié le 30 septembre 2025 | Melles750.fr