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Transhumance en Barousse les 6 et 7 juin 2025

Transhumance en Barousse

Transhumance en Barousse : entre tradition vivante et mise en scène touristique. Chaque année, début juin, la vallée de la Barousse rouvre ses chemins aux pas lents des troupeaux. Au son régulier des sonnailles et des pas sur les chemins, la transhumance revient, non comme un spectacle figé, mais comme un acte agricole encore bien vivant, même si l’événement peine parfois à échapper à la mise en folklore.

Les 6 et 7 juin 2025, la vallée propose une expérience ouverte à toutes et tous : suivre les troupeaux sur plus de 20 kilomètres entre Saint-Bertrand-de-Comminges, Mauléon-Barousse et les estives de Crouhens, au rythme des bêtes, des bergers, et des marcheurs volontaires. Ce week-end, baptisé “Marche ou bêle“, promet un mélange de randonnée, de fête populaire et de transmission de pratiques pastorales. Mais il soulève aussi quelques questions sur la manière dont le rural se met aujourd’hui en scène.

Une tradition qui reste agricole, avant tout

La transhumance n’est pas un événement marketing : elle est avant tout un temps du travail agricole, une opération logistique où les éleveurs déplacent leurs troupeaux vers les pâturages d’altitude pour l’été. Cette pratique saisonnière répond à un besoin écologique et nourricier : permettre aux animaux de bénéficier d’une herbe plus abondante, reposer les terres de la vallée, et maintenir un équilibre fragile entre élevage et biodiversité.

Ce geste de bon sens, inscrit dans le temps long, est ici l’occasion d’un rendez-vous public. Et c’est tout l’enjeu : comment célébrer une tradition sans la figer ? Comment inviter à la découverte sans caricaturer ?

Transhumance en Barousse les 6 et 7 juin 2025

Le programme commence le vendredi 6 juin à 17h, avec un départ des troupeaux depuis Saint-Bertrand-de-Comminges, suivi d’une randonnée de 11 kilomètres le long de la D925. Ce parcours accessible rassemble des profils variés : familles, enfants, passionnés de pastoralisme, curieux de passage. Tous avancent ensemble dans une ambiance détendue, rythmée par les conversations et les cloches du bétail.

L’arrivée est prévue vers 19h à Mauléon-Barousse, sur une aire de camping où les éleveurs et les marcheurs sont accueillis par les habitants. La veillée s’organise autour d’un feu de camp, avec un concert gratuit du groupe Parpalhon, qui mêle rock et musique occitane. L’ambiance est festive, mais sans excès. On chante, on danse un peu, on échange, on campe si on veut. C’est simple, modeste, accessible.

Le samedi : entre plaine et estives

Le lendemain, dès 7h, les troupeaux quittent Mauléon en direction des granges de Crouhens. Cette première étape de 8 km traverse des paysages ouverts, entre prairies et hameaux. Les plus fatigués peuvent s’arrêter là, une navette étant prévue pour les ramener.

Mais pour les motivés, une seconde portion de 10 km permet de suivre les bêtes jusqu’aux estives, ces hauts pâturages où elles passeront l’été. Là-haut, le décor change : la pente s’accentue, les forêts s’effacent, la montagne s’ouvre. Ce n’est plus une randonnée familiale, c’est un moment d’effort et de silence, à l’écoute du territoire.

Quand la fête prolonge l’effort

Le samedi soir, l’événement se clôt à Sacoué, dès 19h, autour d’une grande soirée pastorale. Repas montagnard (20 € adultes, 15 € enfants), animation musicale par les Folies Bandas, retrouvailles des marcheurs et des éleveurs : l’ambiance y est bon enfant.

Mais ce format soulève une question : où s’arrête la célébration, et où commence le folklore ? Si la soirée est pensée pour fédérer, elle peut aussi donner une image un peu lisse et festive d’un métier dur, mal rémunéré, et peu soutenu structurellement.

Célébrer sans folkloriser ?

C’est là que le regard critique s’impose. L’événement est porteur de sens et de lien, mais il reflète aussi une tension : comment faire du pastoralisme un sujet de partage sans le réduire à une carte postale vivante ? La transhumance est ici vraie, mais son habillage festif peut brouiller le message.

La Barousse a le mérite de ne pas verser dans l’artifice : pas de vaches costumées, pas de reconstitutions “à l’ancienne”. Mais le format reste à surveiller pour éviter la dérive du “rural spectacle”, trop courant ailleurs. Une transhumance, ce n’est pas un décor. C’est un moment de vie, un choix d’autonomie, un geste d’équilibre.

Une invitation à marcher différemment

Au-delà de l’événement, “Marche ou bêle” propose une autre lecture de nos paysages : un territoire qui se parcourt à pied, à hauteur de bête et de berger. Ce rapport lent et direct au lieu est précieux, à l’heure où tout nous pousse à l’accélération.

Participer à une transhumance, c’est aussi interroger nos habitudes : pourquoi monter en estive en voiture quand on peut marcher ? Pourquoi consommer sans comprendre la chaîne alimentaire derrière une tomme de brebis ? Pourquoi ignorer ceux qui travaillent la montagne et en font un espace vivant, fragile, non muséifié ?

Marche ou bêle“, en Barousse, est bien plus qu’un événement festif. C’est une fenêtre ouverte sur un monde rural encore actif, bien loin des clichés. Un monde qui résiste, qui s’adapte, qui se partage.

Mais pour qu’il tienne, il faudra plus que des soirées dansantes et des navettes retour. Il faudra du soutien concret aux éleveurs, des débouchés rémunérateurs, et des visiteurs attentifs, prêts à voir dans la marche une manière d’habiter autrement les territoires.

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