Étape 3 du Tour de France 2025 : la revanche des sprinteurs
Valenciennes – Dunkerque • 178,3 kilomètres • Lundi 7 juillet 2025
Le contexte d’une étape décisive
Après deux premières étapes riches en rebondissements dans les Hauts-de-France, la troisième étape du Tour de France 2025 se présentait comme la première véritable opportunité pour les sprinteurs de s’expliquer dans un final groupé. Cette journée du lundi 7 juillet reliait Valenciennes à Dunkerque sur un parcours de 178,3 kilomètres, conçu pour favoriser les hommes les plus rapides du peloton.
Mathieu van der Poel s’élançait en maillot jaune après sa magnifique victoire la veille à Boulogne-sur-Mer, où il avait devancé Tadej Pogacar et Jonas Vingegaard dans un sprint de costauds. Le Néerlandais d’Alpecin-Deceuninck portait la tunique dorée avec l’objectif de la conserver tout en servant de poisson-pilote de luxe à Jasper Philipsen, vainqueur de la première étape et grand favori du jour.
Un parcours taillé pour la vitesse
Cette troisième étape proposait un profil idéal pour les sprinteurs avec seulement 800 mètres de dénivelé positif sur 178,3 kilomètres. Le parcours traversait d’abord le bassin minier depuis Valenciennes, région historique marquée par son patrimoine industriel, avant de rejoindre les vastes étendues des Flandres françaises.
La seule difficulté répertoriée était le mont Cassel, côte de 4e catégorie longue de 2,3 kilomètres à 3,8% de pente moyenne, située à environ 30 kilomètres de l’arrivée. Cette ascension mythique du nord de la France, avec ses derniers mètres pavés, constituait le dernier obstacle avant le final. Les organisateurs avaient placé le sprint intermédiaire à Isbergues, haut lieu du cyclisme nordiste, au kilomètre 118,2.
Les 35 derniers kilomètres, à travers la Flandre maritime, exposaient le peloton aux vents latéraux venus de la mer du Nord. Cette zone représentait le principal danger de l’étape, car des bordures pouvaient se créer et sélectionner le groupe de tête avant l’arrivée à Dunkerque.
Les enjeux tactiques et météorologiques
Le grand défi de cette étape résidait dans la gestion du vent, élément imprévisible mais déterminant dans cette région exposée. Selon Christian Prudhomme, directeur du Tour, cette étape se dressait comme “une nouvelle foire à l’éventail”. Les équipes devaient s’adapter aux conditions météorologiques : un vent du sud pouvait provoquer des bordures décisives, tandis qu’un vent du nord favoriserait un scénario plus classique avec un sprint massif.
Les prévisions météorologiques annonçaient un vent principalement de face dans le final, limitant les risques de cassures importantes. Cette configuration laissait présager un sprint massif dans les rues de Dunkerque, aux abords du stade Marcel-Tribut, théâtre d’arrivée pour la sixième fois de son histoire.
Le final à Dunkerque présentait des spécificités techniques importantes : l’arrivée était jugée rue de la Cunette avec une dernière courbe à droite à 200 mètres de la ligne, le long du canal Exutoire. Cette configuration en légère courbe rendait la ligne invisible jusqu’à 100-150 mètres, obligeant les sprinteurs à ne pas attendre trop longtemps sous peine de se faire piéger.
Les protagonistes de la bataille pour la vitesse
Les grands favoris
Trois sprinteurs se détachaient nettement pour cette étape : Tim Merlier (Soudal Quick-Step), champion d’Europe frustré des premiers jours, disposait de la puissance et de l’expérience pour triompher dans un final courbé. Jonathan Milan (Lidl-Trek), grand perdant de la première étape où il avait terminé 39e, comptait bien prendre sa revanche avec sa condition excellente. Jasper Philipsen (Alpecin-Deceuninck), vainqueur de la première étape, était en embuscade pour doubler la mise avec Mathieu van der Poel comme poisson-pilote de luxe.
Les outsiders redoutables
Plusieurs autres sprinteurs pouvaient créer la surprise : Biniam Girmay (Intermarché-Wanty), deuxième à Lille, avait montré sa pointe de vitesse. Søren Wærenskjold (Uno-X Mobility), troisième de la première étape, confirmait son excellent début de Tour. Dylan Groenewegen (Team Jayco AlUla) et Jordi Meeus (Red Bull-Bora-Hansgrohe) complétaient la liste des prétendants sérieux à la victoire d’étape.
Une étape chargée d’histoire
Valenciennes accueillait le départ du Tour pour la cinquième fois de son histoire, mais c’était la première fois depuis 34 ans que la ville du Hainaut voyait s’élancer le peloton de la Grande Boucle. Cette pause de plus de trois décennies ajoutait une dimension nostalgique à cette journée, rappelant l’importance du cyclisme dans cette région du nord de la France.
Dunkerque, ville d’arrivée, recevait le Tour pour la 21e fois, confirmant son statut de ville-étape historique. La cité portuaire avait déjà vu passer les plus grands champions : Gerrit Voorting en 1948, René Privat en 1960, Gerben Karstens en 1966, Jeroen Blijlevens en 1995 et Christophe Moreau lors du prologue de l’édition 2001. Cette riche histoire cycliste faisait de Dunkerque un théâtre privilégié pour une nouvelle page du Tour de France.
Le passage par le mont Cassel revêtait également une dimension symbolique, cette côte mythique du nord ayant déjà été empruntée lors de la première étape en boucle autour de Lille. Les routes pavées dans les derniers mètres de l’ascension rappelaient les classiques flandriennes et ajoutaient une difficulté technique supplémentaire.
Les enjeux des classements
Cette étape représentait un enjeu crucial pour le classement par points et la course au maillot vert. Jasper Philipsen, vainqueur de la première étape, portait la tunique distinctive et cherchait à consolider son avance. Les points distribués à l’arrivée (50 pour le vainqueur, 30 pour le deuxième, 20 pour le troisième) pouvaient considérablement modifier la hiérarchie.
Le sprint intermédiaire d’Isbergues offrait également des points importants (20, 17, 15, 13, 11, 10 pour les six premiers), permettant aux sprinteurs de marquer des points même en cas d’échec dans le final. Cette distribution représentait un enjeu tactique majeur pour les équipes de sprinteurs.
Pour le classement général, cette étape ne devait pas bouleverser la hiérarchie, mais les écarts de temps en cas de bordures pouvaient être significatifs. Mathieu van der Poel, en maillot jaune, devait rester vigilant pour conserver sa tunique tout en travaillant pour son sprinteur Philipsen, situation délicate mais gérable pour un coureur de sa classe.
Les leçons des étapes précédentes
Les enseignements des deux premières étapes influençaient fortement les stratégies pour cette troisième journée. La première étape à Lille avait été marquée par une cassure dans le final qui avait privé les sprinteurs d’un emballage massif. Seuls les mieux placés avaient pu jouer la victoire, Jonathan Milan payant notamment un mauvais placement pour terminer loin du podium.
La deuxième étape à Boulogne-sur-Mer avait montré la forme exceptionnelle de Mathieu van der Poel, capable de battre au sprint les meilleurs puncheurs mondiaux. Cette démonstration de force du Néerlandais rassurait Alpecin-Deceuninck sur la qualité de son poisson-pilote pour amener Philipsen dans les meilleures conditions.
L’abandon de certains coureurs lors des deux premières étapes rappelait la dureté du Tour, même sur des étapes réputées plus faciles. Les équipes devaient gérer leurs effectifs avec parcimonie, d’autant plus que les sprinteurs avaient besoin de leurs équipiers pour organiser les trains dans les finales.
L’organisation de la course
Le départ était donné à 13h10 pour le départ fictif et 13h25 pour le départ réel depuis le boulevard Pater à Valenciennes. L’itinéraire traversait ensuite Saint-Amand-les-Eaux, Orchies, Pont-à-Marcq, Seclin (déjà traversé lors de la première étape), Annœullin, Béthune (comme la veille), et Lillers. Cette première partie empruntait des routes majoritairement rectilignes, favorisant un rythme soutenu.
Après le sprint intermédiaire d’Isbergues, le parcours se dirigeait vers le nord en direction d’Aire-sur-la-Lys, puis devenait plus vallonné après Boëseghem sur une quarantaine de kilomètres. Cette section culminait avec l’ascension du mont Cassel, point névralgique de l’étape.
Les derniers kilomètres menaient les coureurs à travers Wormhout et Bergues avant l’entrée dans Dunkerque via la route de Bergues. L’arrivée était prévue entre 17h18 et 17h40 selon la vitesse moyenne du peloton, permettant une retransmission en prime time sur les chaînes françaises.
Un enjeu capital pour la suite du Tour
Cette troisième étape marquait la dernière occasion pour les sprinteurs purs de briller avant plusieurs jours. Le programme à venir, avec notamment les étapes normandes et bretonnes, s’annonçait plus favorable aux puncheurs et aux baroudeurs. Une victoire à Dunkerque représentait donc un enjeu capital pour prendre une option sur le maillot vert et asseoir son statut de meilleur sprinteur du Tour 2025.
Pour les équipes de sprinteurs, cette étape constituait également un test grandeur nature de leur organisation. Les trains de sprint, la gestion du positionnement dans le peloton et la capacité à réagir aux éventuelles bordures déterminaient la réussite ou l’échec dans les prochaines arrivées similaires.
L’étape représentait aussi la conclusion du passage du Tour dans les Hauts-de-France, région qui avait magnifiquement accueilli le Grand Départ. Après Dunkerque, le peloton se dirigeait vers Amiens puis la Normandie, changeant d’ambiance et de typologie de courses. Cette transition géographique s’accompagnait d’une évolution tactique majeure pour la suite de la Grande Boucle.
Le dénouement : victoire de Tim Merlier dans un final chaotique
Au terme d’un final houleux marqué par plusieurs chutes, Tim Merlier (Soudal Quick-Step) s’est imposé d’un boyau devant Jonathan Milan (Lidl-Trek) et Phil Bauhaus (Bahrain-Victorious). Cette étape sans relief dans tous les sens du terme s’est enflammée dans les derniers kilomètres avec une succession d’incidents qui ont bouleversé la hiérarchie attendue.
Une première chute collective à 3 kilomètres de l’arrivée a eu pour principales victimes Jordi Meeus et Remco Evenepoel, perturbant l’organisation des trains de sprint. Une deuxième chute dans le dernier kilomètre a éliminé trois nouveaux coureurs (Bol, Renard et Penhoët), créant une confusion générale dans le peloton.
Mais la principale chute du jour est intervenue lors du sprint intermédiaire avec l’abandon dramatique de Jasper Philipsen (Alpecin-Deceuninck), percuté involontairement par Bryan Coquard. Le porteur du maillot vert et vainqueur de la première étape a dû quitter le Tour de France, privant l’équipe Alpecin-Deceuninck de son sprinteur vedette.
Tim Merlier retrouve le goût de la victoire
À 32 ans, Tim Merlier remporte sa deuxième victoire d’étape sur le Tour de France après celle de 2021 à Pontivy lors de la 3e étape, ajoutant ce succès à sa 61e victoire professionnelle en carrière. Le champion d’Europe a parfaitement su tirer son épingle du jeu dans ce final chaotique, profitant de l’expérience acquise au fil des années pour se faufiler vers la victoire.
Cette victoire confirme le retour en forme du sprinteur belge qui avait été frustré lors des premières étapes. Son équipe Soudal Quick-Step a parfaitement géré la situation dans les derniers kilomètres, permettant à leur leader de se positionner idéalement pour l’emballage final malgré les chutes multiples.
Jonathan Milan, deuxième, confirme son excellent niveau après sa déception de la première étape, tandis que Phil Bauhaus complète un podium marqué par l’absence des favoris initiaux Philipsen et des victimes des chutes.
Les conséquences sur la course
Aucun changement n’intervient au classement général grâce à la règle des trois kilomètres qui neutralise les écarts en cas de chute dans les derniers kilomètres d’une étape en ligne. Mathieu van der Poel (Alpecin-Deceuninck) conserve son maillot jaune de leader, mais l’équipe néerlandaise perd son atout majeur pour les sprints avec l’abandon de Jasper Philipsen.
L’abandon du porteur du maillot vert redistribue complètement les cartes pour la course au classement par points. Cette situation ouvre de nouvelles perspectives pour les sprinteurs encore en course et modifie les stratégies d’équipe pour la suite du Tour.
Les multiples chutes de cette étape rappellent la dangerosité du cyclisme professionnel, même sur les étapes réputées les plus faciles. Elles soulignent également l’importance du placement et de la prudence dans les finales tendues du Tour de France.
L’étape 3 du Tour de France 2025 entre Valenciennes et Dunkerque restera dans les mémoires comme une journée contrastée : attendue comme un terrain de jeu pour les sprinteurs, elle s’est transformée en parcours d’obstacles avec de lourdes conséquences. La victoire de Tim Merlier, méritée au terme d’un sprint maîtrisé, est ternie par l’abandon de Jasper Philipsen qui prive le Tour d’un de ses meilleurs sprinteurs.
Cette étape illustre parfaitement l’imprévisibilité du cyclisme professionnel où les favoris peuvent voir leurs ambitions anéanties en quelques secondes. Elle marque également un tournant dans la course au maillot vert et redessine la hiérarchie des sprinteurs pour la suite de cette Grande Boucle.
Dunkerque a tenu ses promesses en offrant un spectacle intense, même si celui-ci n’était pas celui attendu. La ville portuaire ajoute une nouvelle page dramatique à son histoire cycliste, confirmant que le Tour de France réserve toujours des surprises, même sur les étapes les plus prévisibles en apparence.