Kombucha mania de la culture du SCOBY à la bataille des rayons des supermarchés. Le kombucha est une boisson fermentée à base de thé sucré, dans laquelle une symbiose de levures et de bactéries, appelée SCOBY, transforme le sucre en acides organiques, gaz carbonique et autres composés bénéfiques. Introduit en Europe via les circuits alternatifs et les magasins bio, il est désormais sur le devant de la scène, tant pour ses qualités gustatives que pour ses supposés effets sur la digestion. Mais ce produit, à l’origine ancré dans la sobriété et l’autoproduction, traverse une phase de transformation accélérée.
Une croissance continue et marquée
Depuis quelques années, les ventes de kombucha connaissent une progression constante. En France, les boissons fermentées représentent un segment dynamique, avec une augmentation de 35 % des ventes en 2024 selon Nielsen. À elles seules, les bouteilles de kombucha concentrent près de 90 % de ce marché, reléguant le kéfir ou les autres boissons fermentées au second plan. Ce succès repose en partie sur une quête de naturalité dans l’alimentation, et sur un rejet de plus en plus marqué des sodas sucrés ou des boissons trop transformées.
L’effet de mode est indéniable, mais il s’inscrit aussi dans un mouvement de fond. Dans les grandes villes comme dans les campagnes, les bars et restaurants proposent aujourd’hui du kombucha en alternative à la bière ou aux softs classiques. Certaines épiceries de quartier se sont spécialisées dans la distribution de boissons fermentées, qu’elles soient artisanales ou semi-industrielles.
La résurgence des savoir-faire locaux
Initialement, le kombucha se transmettait entre amis, sous forme de SCOBY à partager, dans un esprit proche de celui du levain ou du kéfir. Fabriqué à la maison, il témoignait d’une autonomie alimentaire et d’un désir de consommer autrement. Ce mouvement perdure, mais il s’est aussi professionnalisé. Partout en France, de petits producteurs se sont lancés dans la fabrication artisanale de kombucha.
C’est le cas de « L’eau à la bouche », en Ariège, qui élabore des boissons fermentées aux plantes, parfois récoltées localement. Leur kombucha est non pasteurisé, mis en bouteille manuellement, et produit en petites quantités. De telles démarches valorisent les circuits courts et une fabrication soignée. Biocoop s’est fait le relais de ce type de kombuchas, en favorisant les fournisseurs bio locaux. Ces initiatives dessinent un paysage foisonnant, où les goûts varient selon les terroirs, les types de thé utilisés, et les plantes ajoutées (menthe, gingembre, lavande, etc.).
L’offre en ligne : l’exemple de La Fourche
La Fourche, plateforme de vente en ligne de produits bio à prix réduits, propose une large gamme de kombuchas. Loin des standards aseptisés de la grande distribution, les références disponibles y sont choisies pour leur composition et leurs méthodes de production. On y trouve par exemple le kombucha « Ginger Boost » de Jubiles, le « Green Détox » au thé vert, ou encore les formats familiaux en bouteille consignée. Après une démarche participative de co-création, La Fourche propose même son kombucha en marque propre.
Les produits proposés par La Fourche sont non pasteurisés, sans arômes artificiels, avec une teneur en sucre modérée. Cette sélection s’inscrit dans une logique de sobriété et de transparence. Pour les consommateurs, c’est un moyen de concilier plaisir et consommation responsable, tout en soutenant des producteurs souvent engagés dans une démarche écologique globale.
Les industriels entrent en scène
Le succès du kombucha n’a pas échappé aux grandes marques. Coca-Cola a racheté plusieurs entreprises de kombucha à l’étranger et lancé ses propres déclinaisons, souvent pasteurisées et enrichies en sucres ou en arômes. Cette industrialisation permet une production à grande échelle, une conservation prolongée, et une standardisation des goûts. Mais elle rompt aussi avec les principes initiaux de cette boisson vivante.
La pasteurisation élimine les micro-organismes bénéfiques issus de la fermentation. Le sucre ajouté, au-delà de la quantité minimale nécessaire pour le processus fermentaire, modifie la qualité nutritionnelle et l’indice glycémique. Ces dérives sont dénoncées par nombre d’acteurs du secteur, qui redoutent une banalisation du kombucha à l’image des yaourts à boire ou des sodas aux faux airs de naturel.
Des enjeux de fond : qualité, autonomie, résilience
Le kombucha n’est pas qu’une boisson tendance. Il est un marqueur de notre rapport à l’alimentation : faisons-nous confiance aux processus industriels, ou cherchons-nous à retrouver une maîtrise, même partielle, de ce que nous consommons ? Ce produit permet d’explorer des pistes de résilience alimentaire, que ce soit en l’achetant auprès de petits producteurs ou en le fabriquant soi-même.
Des tutoriels circulent en ligne pour apprendre à créer son propre SCOBY, choisir ses thés, contrôler la fermentation. L’investissement de départ est minime : un bocal, un peu de thé noir ou vert, du sucre, et du temps. Cette pratique domestique est l’un des rares moyens d’échapper complètement à l’offre marchande, tout en retrouvant un lien direct avec la transformation des aliments.
Le kombucha a connu un parcours singulier : de la cuisine familiale à la grande surface, de la fermentation lente à la production automatisée. En quelques années, il est devenu à la fois une boisson de niche, un phénomène marketing, et un sujet de controverse. La question n’est pas seulement de savoir s’il est bon ou mauvais pour la santé, mais de réfléchir à ce que cette boisson dit de notre époque.
La diversité de l’offre, entre kombuchas artisanaux et versions industrielles, reflète une tension plus large dans nos modes de vie : entre autonomie et consommation, entre artisanat et rendement. À chacun de choisir son kombucha, en conscience des différences profondes entre ces bouteilles à première vue semblables. La kombucha mania est bien là !