La Mobylette revient en version électrique : nostalgie et mobilité douce à la française. À Châteauroux, en plein cœur de l’Indre, une silhouette bien connue s’apprête à réapparaître dans nos rues. Celle de la Mobylette, symbole de liberté pour des générations d’adolescents, ressuscitée par la famille Thoonsen, non pas comme un objet de collection, mais comme un véhicule électrique du quotidien, ancré dans son époque.
Relancer une marque aussi emblématique n’est pas un simple pari industriel. C’est un geste qui convoque la mémoire collective tout en répondant à une aspiration croissante à des mobilités alternatives, locales et douces. Alors que l’électrification des transports s’accélère, ce projet s’inscrit dans une dynamique à la fois rétro et futuriste.
Un projet industriel local, un héritage revisité
Derrière cette renaissance, on trouve la famille Thoonsen, une entreprise castelroussine spécialisée dans l’équipement pour le commerce. En investissant 2 millions d’euros sur l’ancienne friche de l’usine Harry’s, désaffectée depuis dix ans, la famille Thoonsen ne se contente pas de relancer un objet mythique : elle réactive une mémoire industrielle et relocalise une partie de la production.
Le modèle dévoilé en 2024 conserve le design caractéristique de la Mobylette des années 70, tout en intégrant des éléments technologiques actuels : une motorisation électrique, une batterie amovible, un grand compteur numérique moderne, et une vitesse de pointe de 45 km/h, fidèle à celle des modèles thermiques d’origine. Ce détail n’est pas anodin : il traduit une volonté de fidélité au souvenir, sans sacrifier aux exigences contemporaines.
La Mobylette électrique s’inscrit dans la vague néo-rétro
Le succès de cette initiative s’inscrit dans une tendance de fond : le retour des icônes de la mobilité, réinventées en version électrique. En 2024, Renault a relancé la R5 E-Tech, une citadine compacte électrique à l’esthétique directement inspirée du modèle culte des années 70. Elle sera bientôt suivie par la R4 électrique, version modernisée de la mythique voiture populaire française, pensée comme un petit SUV urbain.
Du côté de Volkswagen, le Combi ID. Buzz incarne ce même mouvement, réinterprétant en version électrique le véhicule des hippies et des vacances en famille, avec jusqu’à 469 km d’autonomie.
Ces objets ne sont pas de simples produits marketing : ils véhiculent une charge émotionnelle, convoquant un passé idéalisé tout en répondant à la nécessité de réduire nos émissions et repenser nos usages. Le retour de la Mobylette s’inscrit dans cette logique : faire du vieux avec du neuf, mais de manière fonctionnelle, écologique et socialement acceptable.
Un usage adapté aux territoires de montagne ?
Si la Mobylette a marqué les campagnes et les petites villes, elle pourrait aussi trouver une place dans les vallées pyrénéennes, notamment dans le contexte du retour du train entre Luchon et Montréjeau, prévu pour juin 2025. Cette ligne, réhabilitée après dix ans de fermeture, prévoit six allers-retours quotidiens, desservant les gares de Marignac – Saint-Béat, Saléchan – Siradan, Loures-Barbazan et Luchon.
Dans nos zones rurales, où les distances sont courtes mais les infrastructures de transport limitées, la Mobylette électrique pourrait devenir une solution de liaison locale efficace, complémentaire au train. Elle permettrait, par exemple, de rejoindre son lieu de travail, un marché, ou une école depuis une gare, sans voiture, avec un minimum de consommation énergétique.
La simplicité d’usage, la facilité d’entretien, et la possibilité de recharger chez soi ou dans des points relais comme dans les gares en font un outil potentiellement utile pour les territoires de montagne. Il reste à espérer que les collectivités locales accompagnent ce type d’initiative avec des politiques de stationnement, de recharge et de subventions adaptées.
Nostalgie oui, mais pas au détriment de la lucidité
Si l’élan vintage est porteur, il n’est pas exempt de contradictions. Le risque, comme toujours, est celui de la récupération marketing d’un passé édulcoré, transformé en produit de consommation rapide. Mais dans le cas de la Mobylette, la relance semble s’appuyer sur un savoir-faire local, une mémoire affective réelle et une utilité pratique avérée.
La présence d’un grand compteur numérique et la limitation à 45 km/h montre bien que l’enjeu n’est pas de faire du gadget ou de la nostalgie creuse, mais de créer une véritable alternative à la voiture dans un contexte où les besoins de mobilité de proximité explosent.
Le projet pourrait même servir de modèle de transition sobre : produire localement, avec des matériaux robustes, un véhicule léger, à vitesse modérée, répondant à des usages réels. C’est en cela qu’il trouve un écho chez Melles750, dans notre recherche d’un mode de vie plus ancré, plus lent, plus juste.
Le retour de la Mobylette n’est pas qu’un clin d’œil au passé. Il reflète une mutation en cours dans notre rapport à la mobilité : moins rapide, plus accessible, plus émotionnelle et plus locale. Dans un monde saturé de nouveautés sans histoire, c’est parfois dans les objets simples et familiers que se nichent les vraies solutions.
En remettant sur les routes un deux-roues qui a symbolisé l’émancipation de toute une génération, la famille Thoonsen propose plus qu’un mobylette. Elle réactive une mémoire populaire au service d’un avenir plus sobre. Si la Mobylette électrique parvient à s’ancrer durablement dans les usages, elle pourrait bien devenir un outil de reconquête des territoires, au même titre que le train ou le vélo électrique. Et comme pour le moment l’entreprise n’a pas encore officiellement présenté son modèle, une photo de prototype purement imaginaire s’impose.