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Après la crue le film en projection à Saint-Béat-Lez ce jeudi 8 février 2024. Une centaine de personnes étaient présentes hier soir pour assister à la présentation du film et participer à un débat. Alors que le traumatisme est toujours bien présent dans la vallée, et que bon nombre de questions restaient sans réponse, le film éclaire sur les différentes phases de résilience face à un tel évènement. Ainsi, des enseignants-chercheurs en géographie sont allés recueillir la parole des habitants et des acteurs locaux pour mieux connaître la période de l’après-crue. Le 18 juin 2013 la crue exceptionnelle a touché deux vallées distinctes, la vallée du Bastan (Hautes-Pyrénées, Barèges, Luz-Saint-Sauveur) et la Haute vallée de la Garonne (Haute-Garonne, Fos, Saint-Béat-Lez). Au travers de témoignages, les chercheurs essayent de comprendre comment les deux territoires ont surmonté l’épreuve, et pourquoi ils n’ont pas récupéré au même rythme. Une approche d’autant plus pertinente que le questionnement subsiste dans la vallée de Saint-Béat-Lez avec un sentiment d’abandon par rapport à d’autres territoires touchés comme dans le Val d’Aran ou dans la vallée du Bastan justement.

 

Les trajectoires de résilience dans les deux vallées

Pour comprendre les trajectoires de résilience dans les deux vallées, le film se place à différents moments après la crue. Les premiers jours sont très médiatisés avec les déplacements du Président Hollande, du premier ministre, de ministres avec derrière une cohorte de caméra. Pendant ce temps les habitants sinistrés font face à la sidération de la puissance de l’évènement. Ils vivent intensément l’élan de solidarité pour nettoyer autant que possible. Mais que faire quand un torrent de boue de 2,30 mètres déboulent dans les rues de Saint-Béat-Lez. La catastrophe n’a pas la même ampleur dans la vallée du Bastan et dans la vallée de la Garonne. La première est beaucoup plus touchée, par la typographie des lieux, d’une vallée étroite où l’eau pour déverser son énergie a retaillé les berges et emporté beaucoup de matériaux. Rapidement on estime les dégâts à 30 millions dans la vallée du Bastan contre 8 millions autour de Saint-Béat-Lez.

Mais après quelques mois, une fois le cortège des politiques passés, le plus gros du nettoyage effectué, pour les sinistrés la solitude s’installe et une autre bataille commence pour essayer de reconstruire une vie. Il faut faire le bilan, batailler avec les experts et les assurances, surmonter les incertitudes et vivre avec les silences.

Et un an après le constat et d’autant plus amer dans la vallée de la Garonne, que dans la vallée du Bastan de grands travaux sont menés. Dans les Hautes-Pyrénées la vallée sinistrée se relève très vite avec des villages certes reconfiguré, mais reconstruits tout comme les campings. Dans la Haute-Garonne la cité du marbre doit s’accommoder des vitrines fermées, des façades encore éventrées, et des campings définitivement abandonnés.

Cinq ans après le constat est encore plus flagrant, et le sentiment d’abandon domine dans la vallée de Saint-Béat.

 

Une même catastrophe, deux vallées et deux sentiments

Le film éclaire sur les caractéristiques, les enjeux et les sentiments après la catastrophe dans les deux vallées. Dans la vallée du Bastan, dans un département des Hautes-Pyrénées essentiellement rural, il était inconcevable de passer à côté d’une saison touristique cruciale pour la survie de ce bassin. Aussi, les politiques locaux et l’Etat ont oeuvré avec les habitants pour tout reconstruire. Même l’abattoir indispensable pour les éleveurs locaux a finalement été reconstruit. Le territoire ne porte plus aucun stigmate de la catastrophe. La vie locale et touristique a repris. Les sourires sont revenus dans la vallée.

Dans la vallée de la Garonne, l’ambiance est tout autre, entre détresse, sentiment d’abandon, rancoeur, lassitude et des stigmates tellement présents que tourner la page est difficile. Dans la Haute-Garonne écrasée par la métropole toulousaine, ce petit bout de vallée à la frontière ne semble guère compter. Sur place les sinistrés se sentent écartés des concertations et des décisions. L’association Vivre en vallée de Saint-Béat tente vainement d’alerter et de dialoguer. Un nouveau camping ouvrira bien en 2024, mais le vide semble s’être installée dans la cité du marbre. Il faudra sûrement encore beaucoup de temps pour que Saint-Béat-Lez efface les traces de ce 18 juin 2013. Mais des signaux positifs annoncent notamment un renouveau patrimonial et culturel avec de nouveaux festivals et le retour du Trésor. Des travaux de réhabilitation du centre bourg vont également démarrer. Gageons que Saint-Béat-Lez se reconstruira et définira sa nouvelle identité territoriale.

 

La nature toujours supérieure

A la fin de la projection des questions émergent autour des défaillances d’alerte avant la crue, sur les travaux effectués et sur les moyens techniques pour éviter une nouvelle catastrophe du genre. Mais comme le souligne un habitant du territoire, la nature reprend toujours ses droits. L’homme imagine toujours que sa toute puissance technique lui permet d’anéantir les contraintes que la nature lui impose pour gagner toujours plus de temps, et plus d’argent.

Détourner le cours d’une rivière, détruire les sols, anéantir la biodiversité, raboter les montagnes, consolider les constructions, produire et consommer sans limite, tôt ou tard la nature passe outre. L’humanité choisit d’écraser le vivant mais avec une augmentation de 1,5°c des températures mondiales sur 12 mois, les inondations, les incendies, les tempêtes et les catastrophes vont déferler. Mais qu’importe l’humanité s’enferme dans ses certitudes en construisant toujours plus de routes pour des voitures toujours plus grosses pour déplacer de pauvres humains de zones commerciales en zones d’activités. Après la crue, le torrent du mépris humain pour la nature roule plus fort que jamais.

Le film Après la crue est disponible sur le site internet de l’Université Toulouse-Jean Jaurès : APRÈS LA CRUE