(Last Updated On: 4 septembre 2021)

Que deviennent les chevaux de Mérens à Melles ? En mai dernier, dans le cadre d’une initiative d’éco-pastoralisme, 17 chevaux de Merens montaient à Melles en estive. A l’origine de cette initiative, l’équipe municipale de Melles, et les élevages Les Mérens du Boila près de Lannemezan. Et si lors de leur montée, ils semblaient si pressés d’arriver à Labach de Melles, ce n’était pas pour le pique-nique.

Car l’urgence est ailleurs. Et le dernier rapport du GIEC le rappelle, les Pyrénées deviennent un terrain à risques pour les incendies. Comment en est-on arrivé là ? Alors que viennent faire des chevaux dans cette tragédie à éviter ?

La réalité du réchauffement climatique

« On voit bien que là où nous en sommes » aujourd’hui « c’est vraiment ce qui était envisagé » par les scientifiques, souligne le climatologue Jean Jouzel sur FranceInfo le 3 juillet dernier. On rentre alors dans une période estivale d’incendies gigantesques et d’une vague de chaleur qui tuent aux quatre coins du monde. Et Jean Jouzel, ancien vice-président du GIEC nous rappelle que ce que nous vivons aujourd’hui, étaient prévus par les premiers rapports du GIEC il y a déjà 40 ans.

Une façon de nous rappeler, que le changement climatique suit une droite haussière prévisible sous l’action dévastatrice de nous, les humains. Dernièrement, c’est Nicolas Hulot qui réclamait une radicalité dans la prise en compte du réchauffement climatique. Mais hélas, rien ne semble changer, ni dans les comportements individuels trop disparates, ni dans les activités industrielles, ni dans les fausses intentions politiques.

Sans tomber dans la collapsologie, des évènements cataclysmiques nous attendent. Et même si l’on reste sous le charme de nos Pyrénées, nos montagnes n’y échapperont pas.

Les Pyrénées face au réchauffement climatique

D’ici 2050 la neige, en tout cas abondante, aura disparu dans les Pyrénées Haut-Garonnaises. Et avec la disparition de la neige, un cercle infernal et destructeur s’attaque à nos montagnes.

En l’absence de neige l’hiver, sans réverbération du soleil, le sol se réchauffe (limitant alors la capacité à fixer la neige au sol, …). La fonte des neiges qui n’existe plus, tend à assécher les sols de nos montagnes. La neige et les froids hivernaux, ne pourront plus réguler la flore locale. Des espèces plus résistantes au manque d’eau s’installent, les autres s’effacent. Il suffit de regarder aujourd’hui le seuil d’altitude de la présence des fougères.

Et de surcroit dans nos montagnes, on subit à la fois le réchauffement climatique, mais également l’exode agricole des décennies passées.

On se retrouve alors avec une végétation nouvelle, sur des sols plus secs, avec des températures estivales potentiellement élevées, dans des parcelles abandonnées à une nature (déréglée). Une configuration idéale au danger premier dans les Pyrénées Haut-Garonnaises en matière de réchauffement climatique : les incendies.

Un risque clairement identifié dans le cadre du STEPRIM « Stratégie territoriale pour la prévention des risques en montagne » (STePRiM) mené par la Communauté de Communes des Pyrénées Haut-Garonnaises (CCPHG).

Mais alors que deviennent les chevaux de Mérens à Melles ?

Et bien ils ont clairement remplis leur rôle, certes avec les limites d’un projet expérimental mené avant tout avec convictions, mais les bons résultats imposent de préparer dès aujourd’hui la saison prochaine.

Car la mission première de ces chevaux dans certaines parcelles d’altitude à Melles, était de réouvrir des zones envahies par une végétation dense et sensible aux incendies. Bien sûr on pourra toujours regretter quelques réticences locales, mais c’est le lot des initiatives innovantes face à des formes de déni.

Pour les deux éleveurs engagés dans cette mission, aux côtés de l’équipe municipale de Melles (menée par Alban Dubois), il fallait réagir, et agir vite. A défaut d’un modèle économique, Romain Desbruères et Vincent Bonnet se sont pleinement investis pour accompagner la démarche du village de Melles.

La passion des chevaux et la préoccupation du territoire, ont mené à la réussite de cette première expérimentation avec aujourd’hui des résultats visibles de réduction de la végétation sur les zones de pâture.

Les prochaines étapes pour l’éco-pastoralisme avec les chevaux de Mérens

Avec le défrichement, et la réouverture de certaines parcelles, l’initiative permet d’agir directement en prévention des risques d’incendies, dans des zones difficiles d’accès pour les pompiers.

Mais la démarche est aussi une démarche agricole cohérente. Car plutôt que des nourrir des chevaux dans la vallée (en pleine chaleur), avec du foin, les bêtes sont nourris par l’abondance de la nature dans des conditions météo malgré tout plus favorables.

Et la vertu de l’initiative ne s’arrête pas là, car elle contribue également à la vie sociale et économique du village par la prise en charge partielle d’un employé municipal.

Enfin, il y a un impact touristique à long terme dans cette initiative. Tout d’abord ces parcelles abandonnées, retrouvent une certaine esthétique pour le regard des randonneurs de passage. Des randonneurs généralement avides de comprendre la montagne, et souvent déjà sensibilisés à l’équilibre difficile des territoires de montagne. La pédagogie écologique des montagnes s’installe et alimente les discussions.

Chevaux de Merens et leur balise GPS

Chevaux de Merens et leur balise GPS à Sestagnous Melles

Demain (c’est en cours) entre tradition et innovation, les chevaux en pâture seront suivis par des GPS synchronisés sur des réseaux bas débit Sigfox. Là encore, des pistes sont à explorer sur l’utilisation de relais et réseaux bas débit qui permettraient de sécuriser les randonneurs loin des réseaux GSM.

Bien sûr, il ne s’agit pas de réseaux de communication complet, mais de dispositifs qui permettraient d’alerter des secours. Suivre des troupeaux et sécuriser des randonneurs, en mutualisant des moyens, voilà du bons sens montagnard.

Demain peut-être des survols en drone permettront d’assurer des missions de e-berger. Et il ne s’agit de se dire que c’était mieux avant, mais plutôt d’allier l’expérience et les rythmes passées pour se défendre face au seul vrai prédateur des montagnes : le réchauffement climatique.